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Célestin Tawamba : « les Pouvoirs Publics doivent opérer une mutation profonde de la politique relative au développement du numérique »

[Digital Business Africa] – D’après le président du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), le Cameroun doit effectuer une mutation profonde de sa stratégie de développement du numérique.

Ce qui permettra, comme le pense Célestin Tawamba, de ne pas louper un saut qualitatif vers une digitalisation efficace des services, à l’ère où l’intelligence artificielle impose de se réinventer.

Le président du Gecam qui s’exprimait ainsi lors de la rentrée économique du patronat le 18 septembre 2024 à Douala estime que cette mutation profonde passe par la mise à jour du corpus légal et réglementaire en vigueur sur les TIC et par une régulation plus efficace du secteur du numérique.

Digital Business Africa vous propose son discours intégral à cette occasion.

« Aux :

Organe de presse ici présents,

Distingués invités,

Mesdames et messieurs,

Je tiens, à l’entame de ce propos, à vos remercier pour votre mobilisation exemplaire à venir échanger avec nous sur la situation économique de notre Pays, à-mi-parcours de l’année en cours, dans un format auquel il faudra désormais s’habituer.

Recevez au nom du Conseil d’Administration ici présent et en mon nom propre, ma profonde gratitude.

La « Rentrée économique du Patronat », se veut un moment d’échange convivial entre la presse et le Patronat, que nous envisageons tenir tous les ans, au mois de septembre, pour poser un regard critique et constructif sur les évolutions et les enjeux de l’économie de notre pays.

Pour ce faire, il sera question de passer en revue les principaux défis et contraintes pour la mise en place d’un environnement propice et plus compétitif aux affaires, en mettant en exergue, les avancées significatives relevées, le cas échéant.

Cette rencontre se tient dans un contexte général difficile pour les Entreprises et les populations, et plus particulièrement celles de la région de l’extrême nord, frappées par des inondations en raison d’importantes pluies diluviennes qui ont occasionné de nombreux dégâts matériels et des pertes humaines. Nous saisissons cette occasion pour adresser nos condoléances à nos frères de cette région, et affirmer notre engagement à leurs côtés.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de faire un bref aperçu macro-économique des prévisions telles qu’elles ressortent de nos principaux documents de politique publique et la réalité à date.

Les performances économiques du Cameroun sont en deçà des objectifs qu’il s’est fixé dans le DSCE et la SND30. D’un objectif de croissance de 5,5 % sur la période 2010 – 2020, et de 6,6 % sur la période 2021 – 2025, nous avons réalisé une croissance économique moyenne de 4,0 % sur la période 2010 – 2020, et de 3,8 % sur la période 2021 – 2023, respectivement en deçà de 1,5 points et 2,8 points de ses objectifs.

Par conséquent, le déficit de la balance commerciale du Cameroun s’est aggravé et a franchi la barre de 2 000 milliards de FCFA en 2022 soit près de 25% du budget. Le nombre de personnes en situation de sous-emploi et de pauvres a considérablement augmenté.

Les données de l’INS montrent que le nombre de camerounais vivant en dessous du seuil de pauvreté a progressé de plus de 2 millions de personnes au cours de la période 2014 – 2021, pour atteindre près de 10,5 millions en 2021.

En dépit tout ce qui précède, le FMI envisage une légère progression de la croissance économique, pour s’établir à 4,2 % en 2024 contre 4,0 % en 2023.

Celle-ci proviendrait du secteur secondaire en raison de la mise en service du barrage hydroélectrique de Nachtigal qui devrait profiter au secteur industriel malgré la baisse de la production du secteur extractif consécutive à la diminution de la production pétrolière.

Aussi, a-t-on noté une baisse de l’inflation au premier semestre 2024, qui se situait à 5,7%, en retrait de 2 points par rapport au premier semestre 2023. Ce niveau d’inflation qui reste élevé par rapport à la norme communautaire qui est de 3%, résulte d’une combinaison de facteurs externes et internes.

Les facteurs externes sont notamment : (i) le conflit russo – ukrainien qui continu de peser sur le prix de certaines importations ; (ii) la hausse de 5,4 % des cours mondiaux du pétrole brut au premier semestre 2024 par rapport au premier semestre 2023.

Les politiques monétaires restrictives menées par la BEAC pour réduire l’inflation auraient accru les difficultés d’accès au crédit des Entreprises. Pour faire face à l’inflation qui a atteint 7,4 % en 2023, la BEAC a renforcé la politique monétaire d’austérité qu’elle mène depuis fin 2021 et qui articulée autour de : la suspension des opérations d’injection de liquidité dans les banques ; l’intensification des opérations de reprises de liquidité ; les émissions de bons avec pour objectif de retirer de la liquidité dans les circuits bancaires ; ou encore les relèvements progressifs des taux directeurs.

Le premier semestre 2024 a été également marqué par la baisse de la commande publique et le durcissement des conditions d’accès aux marchés publics. Les difficultés financières de l’Etat liées notamment au remboursement de la dette publique l’ont contraint à réduire ses engagements notamment la commande publique. Par ailleurs, la circulaire du MINMAP relative aux cautionnements sur les marchés publics a durci les conditions d’accès aux PME locales qui sont moins liquides par rapport aux Entreprises à capitaux étrangers.

De manière plus détaillée, les principaux défis relatifs à notre environnement des affaires sont les suivants :

  1. La Fiscalité

Au cours de ces dernières années, les pouvoir publics ont fait des efforts dont on pourrait se féliciter pour améliorer notre système fiscal.

Au rang de ces efforts, on peut citer notamment :

  • la dématérialisation des déclarations de paiement de certains impôts et taxes et de certaines procédures fiscales (immatriculation, attestation de conformité fiscale notamment),
  • la baisse du taux d’Impôt sur les Sociétés pour les PME, la baisse du taux d’acompte de l’IS pour certaines activités,
  • la mise en place d’un comité qualité au sein de la Direction Générale des Impôts ayant vocation à contribuer à la recherche du juste impôt lors des contrôles fiscaux et partant, limiter progressivement les contestations consécutives à ces contrôles,
  • la clarification des procédures de contrôles douaniers à postériori,
  • la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures dans le cadre de la politique d’import-substitution, à l’instar des exonérations des droits de douanes sur certains équipements et intrants importés, l’introduction de droits d’accises sur les importations de certains produits fabriqués localement,
  • la mise en place du partenariat fiscal intégré pour amener certains contribuables vers le secteur formel etc.

Cependant, le système fiscal demeure pour les entreprises du secteur formel, injuste, et oppressif en raison du taux d’imposition effectif payé ; En effet notre système fiscal conduit à payer des taux effectifs de 60 à 80%, il fait payer l’impôt aux entreprises naissances et même à celle qui font des pertes.

A cela s’ajoute des contrôles fiscaux et douaniers fréquents donnant lieu à des redressements portant sur des montants astronomiques, représentant parfois plusieurs fois le bénéfice et même du chiffre d’affaires, et un accès très coûteux au contentieux fiscal.

Le défi majeur tant de l’administration fiscale, que du Patronat est la réduction du secteur informel afin d’augmenter les recettes fiscales, mais nous sommes convaincus que la voie empruntée par l’Administration n’est pas la bonne.

  1. La parafiscalité

La loi des finances 2024 a mis en exergue une multiplication exponentielle des taxes parafiscales touchant quasiment tous les secteurs d’activités et tous les services rendus par les Administrations publiques.

Ajouté à cela, les collectivités territoriales décentralisées font naître de nouvelles taxes tous les jours qui obère continuellement la trésorerie des Entreprises, rajoute les tracasseries et réduit leur compétitivité.

Au rang de ces taxes nous avons celle sur le dépotage des conteneurs sur la voie publique mise en place par la Communauté urbaine de Douala et qui pose un ensemble de problèmes déjà relevés par diverses correspondances du GECAM dénonçant son caractère inadapté, inapproprié et arbitraire.

  1. La politique d’incitation aux investissements

Les incitations aux investissements en République du Cameroun doivent être entièrement repensés.

Depuis sa promulgation en avril 2013, le Cameroun a adopté de nouvelles politiques publiques et réformes ayant des incidences sur l’investissement en particulier,

L’ensemble de ces éléments a rendu caduque plusieurs dispositions du cadre réglementaire sur les incitations aux investissements qui se trouvent être en déphasage avec ces nouvelles orientations gouvernementales.

Quelques observations spécifiques mériteraient d’être mises en lumière, en l’occurrence :

  • Il existe une véritable confusion dans la compréhension des critères d’éligibilité du fait d’une part, de leur énoncé de façon disparate dans la loi, et d’autre part, du fait de leur élargissement illégal dans l’arrêté du 19 novembre 2013 ; ce qui laisse place à l’arbitraire et ne garantit pas l’équité dans le traitement des demandes.
  • L’éligibilité aux incitations ne prend pas en compte la spécificité des zones enclavées afin d’y encourager le développement équilibré des différentes régions en droite ligne avec l’esprit de la décentralisation et les investissements jugés prioritaires dans la loi sont trop nombreux et généraux et en déphasage avec les axes de développement retenus dans les documents de politique publique ;
  • Les phases d’installation (5ans voire 7) et d’exploitation (Jusqu’à 10 ans) sont trop longues et injustifiées en fonction du type d’investissement ciblé. Elles permettent à certaines entreprises, soit d’utiliser ces avantages à d’autres fins que l’investissement réel annoncé, soit de continuer d’utiliser les avantages de la phase d’installation pour un projet déjà en phase d’exploitation ;
  • Le contenu des mesures d’incitations fiscales et douanières durant les phases d’installation et d’exploitation est très vaste et pas toujours adapté aux objectifs recherchés par la loi. Ce qui fait perdre des recettes importantes à l’Etat et augmente la pression fiscale sur les Entreprises existantes qui doivent combler le déficit ainsi créé.

Fort de tout cela, une refonte de la loi sur les incitations aux investissements est indispensable pour une mise en cohérence d’ensemble, d’autant plus que si l’on s’en tient aux chiffres disponibles, pour une proportion de 198 milliards de FCFA d’incitations fiscales et douanières accordées, la richesse créée se situerait autour de 41 milliards de FCFA seulement, soit 0,0018% du PIB.

Au demeurant, les distorsions de concurrence graves créées par la loi, du fait notamment de la distinction faite entre les Entreprises nouvelles et les Entreprises anciennes à l’origine du dépôt de bilan de plusieurs Entreprises et la destruction de milliers d’emplois appellent une véritable prise en compte en vue de sa révision.

Au regard de tout ce qui précède et au risque d’affaiblir davantage notre économie en quête de croissance, nous avons présenté à l’API, malheureusement sans suite favorable à date, l’urgence de suspendre la délivrance des Agréments notamment dans les secteurs saturés et à forte concurrence, le temps de mieux repenser cette réglementation, en tenant compte des diverses contraintes citées supra afin de doter notre économie d’un cadre légal sur les incitations aux investissements privés adapté et à la hauteur des enjeux.

  1. Energie

Avec l’injection des premiers 60 Méga Watts produits par le barrage de Nachtigal le 10 mai dernier, la capacité installée de l’énergie électrique dans notre pays se situe autour de 1700 MW dont près de 7O% issus du mix énergétique hydroélectrique + solaire.

Nous sommes bien loin des 3000 MW projetés par les différents documents de politiques publiques pour cette période et le déficit énergétique de notre pays demeure important.

Plus de 40 % de la population n’a pas accès à l’électricité au Cameroun et le besoin d’énergie non satisfait du secteur industriel est désormais estimé à environ 400 MW.

Les actions récentes entreprises par les pouvoirs publics que nous saluons, à savoir, la mise en service de l’usine de pied du barrage de Lom-pangar et du barrage de Nachtigal avec l’injection progressive de l’électricité produite jusqu’au 420 MW prévus, devraient sensiblement améliorer la situation actuelle.

En attendant, les investissements dans le secteur devraient se densifier, notamment dans les infrastructures de transports d’énergie qui souffrent de vétusté endémique, et le règlement par l’Etat, de sa dette vis – à – vis de ENEO pour restaurer l’équilibre du système.

  1. Infrastructures routières et transport

Au 31 décembre 2023 le Cameroun comptait 10 225 km de routes bitumées sur un linéaire totale de 121 873 km, soit seulement près de 9% du réseau routier total.

Outre la construction de nouvelles routes bitumées, le principal défi reste l’entretien des routes déjà existantes.

Au cours du mois dernier nous avons appelé l’attention du Ministre des Travaux public sur l’état désastreux et inédit de la chaussée des routes nationales n°3 et n°5.

Mais en réalité il s’agit de l’ensemble du réseau routier qui est concerné car les difficultés relevées sur ces deux routes nationales se posent avec plus d’acuité encore sur la nationale n°1 qui relie notre pays au Tchad, à la RCA et au Nigéria.

La dégradation de la chaussée sur ces axes, outre la recrudescence des accidents dramatiques, est à l’origine d’importants ralentissements dans la circulation avec très souvent des immobilisations des véhicules pouvant excéder plusieurs jours. En ce qui concerne la nationale n°3 les délais de passage de marchandises vers les principaux corridors, via la nationale n°1, s’en trouvent fortement rallongés avec un accroissement des coûts pour les Entreprises.

Par voie de conséquence, l’évacuation de certains produits en provenance ou à destination des ports et des grandes villes s’en trouve profondément affectée, tout comme l’approvisionnement de la région du littoral à partir des principaux bassins de production.

Il en découle une contraction de l’offre sur les marchés et des tensions inflationnistes nouvelles, d’une part, et, d’autre part, des conséquences désastreuses sur la trésorerie, les activités, voir même l’existence des entreprises implantées dans les zones enclavées et essentiellement constituées des TPE et PME.

En effet, en ce qui concerne, par exemple, les Régions septentrionales de notre pays, qui sont déjà économiquement et socialement très impactées par les effets des multiples crises, le seul moyen de transport aujourd’hui qui les relie en toute sécurité au reste du pays est l’avion ; mais à un prix prohibitif et hors de portée (près de 300 000 fcfa le billet MVR-DLA-MVR en classe économique). C’est incompréhensible !

Toutes ces choses compromettent les efforts du Gouvernement et du secteur privé en matière de lutte contre l’inflation et freine le développement.

Cette situation qui ne peut plus durer, appelle une prise de conscience forte du gouvernement pour le financement urgent du réseau routier camerounais, y compris par le concours du partenariat public-privé.

Il serait également judicieux de questionner pour le repenser notre péage routier, qui a été enrichi il y a peu, de la construction de certaines stations automatiques, et dont la mission première est l’entretien routier.

  1. Numérique

Bien que conscients de l’intérêt vital de la transformation numérique de leurs activités, les Entreprises éprouvent de sérieuses difficultés dans ce processus en raison de l’insuffisance des offres des opérateurs de communications électroniques. Cela se traduit entre autres par :

  • Une mauvaise qualité d’accès Internet fixe et mobile dans la plupart des immeubles en zone urbaine et dans toutes les zones industrielles à travers le pays.
  • L’usage de plusieurs numéros mobiles identifiant les personnes physiques pour des besoins professionnels, d’où un risque élevé d’usurpation d’identité téléphonique de l’entreprise dans des actes frauduleux mettant ainsi en péril sa notoriété.
  • L’usage généralisé de l’application WhatsApp personnelle comme outil de collaboration professionnelle.

25 ans après l’ouverture du marché de la téléphonie à la concurrence, on assiste, dans l’indifférence générale, à la disparition progressive de la téléphonie fixe d’entreprise sous le monopole de CAMTEL.

En se référant aux autres pays occidentaux et africains, le segment de marché de la téléphonie fixe a évolué vers la communication unifiée, représentant ainsi une niche d’opportunité de croissance pour les opérateurs du secteur privé local dans l’accélération de la transformation digitale des entreprises.

Il devient donc impérieux pour les Pouvoirs Publics d’opérer une mutation profonde de la politique relative au développement du numérique dans notre pays, pour ne pas louper un saut qualitatif vers une digitalisation efficace des services, à l’ère où l’intelligence artificielle nous impose de nous réinventer.

Cette mutation passera par la mise à jour du corpus légal et réglementaire en vigueur sur les TICs, pour tenir compte notamment des différentes évolutions technologiques, en même temps qu’elle nécessitera une régulation plus efficace pour garantir le développement harmonieux des Entreprises opérant dans ce domaine.

  1. Fuite des compétences vers le Canada

De janvier à avril 2024, près 6000 camerounais ont immigré au Canada, portant à plusieurs centaines de milliers de personnes, le nombre de camerounais ayant choisi de s’expatrier vers ce pays et bien d’autres depuis près de deux décennies déjà. Le Cameroun est le deuxième pays au monde pourvoyeurs de main d’œuvre au Canada, juste derrière la France.

Le Patronat camerounais est particulièrement préoccupé par cette migration massive de nos travailleurs qualifiés.

Cette tendance exacerbée par les nombreuses crises que notre pays subit depuis plusieurs années, a des répercussions significatives sur l’économie nationale et notre marché du travail.

En effet, le départ de nombreux travailleurs qualifiés employés au sein des Entreprises, qui ont en général financé leur formation continue, entraîne une perte de compétences précieuses et met en péril la compétitivité de nos Entreprises.

Au sein du GECAM les Entreprises de tous les secteurs d’activités sont concernées par le phénomène. Ces départs massifs effectués en majorité à l’issu des Employeurs, causent un vide parfois difficile à combler et obligent ces Entreprises, dans plusieurs cas, à supporter les dettes contractées en interne par les travailleurs démissionnaires. Par ailleurs, lorsque lesdits travailleurs avaient des emprunts en cours auprès des Institutions financières, la récurrence du phénomène compromet l’accès au crédit d’autres employés de la même Entreprise.

Au demeurant, cette situation a des conséquences sur la croissance économique du pays, car elle diminue le nombre de professionnels disponibles pour répondre aux besoins croissants de divers secteurs d’activité.

Prenant toute la mesure de la situation, nous avons saisi par courrier le Ministre des Relations Extérieures pour solliciter une réunion de concertation afin d’explorer les causes sous-jacentes de ce phénomène et de discuter des mesures potentielles pour atténuer ses effets. Cette rencontre pourrait nous permettre de collaborer étroitement pour élaborer des stratégies visant à mieux répondre aux défis liés à cette problématique.

  1. le Foncier

Comme vous le savez, l’accès au titre foncier est encadré par un ensemble de textes réglementaires dont les principaux datent de 50 ans.

La procédure d’obtention d’un titre foncier au Cameroun est très longue, assez coûteuse, et très peu sécurisée.

A titre d’illustration, pour obtenir un titre foncier par la procédure d’immatriculation directe il faut compter au moins six mois et au moins cinq ans par la procédure de concession. Dans la plupart des cas, la procédure n’aboutit tout simplement pas ou se termine au tribunal. En effet, selon les statistiques du MINJUSTICE, plus de 85 % des affaires inscrites par devant les tribunaux au Cameroun concernent le foncier.

Les procédures d’obtention du titre foncier sont assez coûteuses et pas toujours accessible aux populations en milieu rural.

Plus grave, la procédure d’obtention du titre foncier est très peu sécurisée. En 2021, la justice a recensé plus de 9 000 faux titres fonciers au Cameroun. Cette situation est responsable d’une véritable insécurité foncière qui se caractérise par une double voire triple immatriculation pour une même parcelle de terrain. Ce qui est tout simplement aberrant.

En outre, on assiste à des actes d’annulation en série, des Titres Fonciers par le MINCAF, aussi bien ceux appartenant à des personnes physiques, qu’à des Entreprises, en totale ignorance de l’impact négatif de ces agissements sur la sécurité juridique des affaires et les Investissements Directs Etrangers.

Or, le titre foncier reste le principal document de la sécurisation immobilière et une importante garantie auprès des Institutions financières. Sécuriser le titre foncier et améliorer son accès permettraient de résoudre en partie la problématique du financement des Entreprises et par conséquent de leur compétitivité.

L’informatisation du cadastre et la numérisation du Titre Foncier sont plus que par le passé à l’ordre de jour et il serait temps que l’Etat accélère le processus, non pas sans avoir mis en place des procédures conservatoires pour mitiger les effets du défaut de sécurisation de la procédure actuelle.,

⁠9. Marchés publics

Le Ministre des Marchés publics, dans une récente Lettre Circulaire visant à préciser les modalités de constitution, de consignation, de conservation et de restitution des cautionnements et de déconsignation des cautionnements dans le domaine des marchés publics, des dispositions susceptibles d’avoir des incidences négatives sur le processus de passation des marchés ont été éditées. En l’occurrence :

  • L’exigence d’un cautionnement en numéraire auprès de la Caisse de Dépôts et Consignations. En effet selon le texte, les cautionnements doivent être consignés en numéraire (100%) auprès de la CDEC. Ainsi, dans la description du processus de réalisation des cautionnements, la délivrance d’un récépissé de consignation qui atteste l’effectivité de chaque cautionnement qui devient dès lors un élément constitutif du dossier de soumission est prévu ;
  • Les modalités de restitution des cautionnements ne précisent pas les délais à respecter par les maîtres d’ouvrages. Idem pour les modalités de déconsignation des cautionnements.

La problématique générale des marchés publics est celle du faible taux d’exécution, résultant en partie de l’incapacité financière des Entreprises en charge malgré les dispositions de précautions mises en place à travers le cautionnement.  Mais c’est loin d’être la seule cause. Le délai de paiement des décomptes par l’Etat, constitue également un motif de retards.

L’introduction de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDEC), bien que prévu par le texte le mettant en place, vient alourdir le système de passation des marchés publics en le rendant à coup sûr moins inclusif et inaccessible aux PME locales en proies à de sérieux défis de financement.

Au vu des difficultés rencontrées par les Entreprises intervenant dans la commande publique, la suspension de l’application de cette circulaire parait inévitable pour ouvrir une réflexion avec l’ensemble des parties prenantes, afin de trouver le meilleur moyen d’adresser cette problématique en préservant les intérêts de tous les acteurs.

En marge de tous les défis relevés ci-dessus, on constate pour le déplorer une sorte de léthargie dans la prise de décision par les pouvoirs publics. En total déphasage avec les challenges qui sont nombreux et urgents, les décisions quand elles sont prises le sont tardivement. Ce qui n’a aucun impact sur la problématique qui a évoluée avec le temps. Conséquence on stagne. On fait trop peu et trop tard.

Cet état de chose occasionne un manque de visibilité pour Entrepreneur et investisseurs, freine leurs ardeurs et partant, entrave le développement de notre économie.

Les investisseurs sont usés, découragés, manquent de boussole et d’énergie. Tenez par exemple Dans le cadre des informations que nous collectons auprès des entreprises pour des besoins de statistiques, un Adhérent  opérant dans la grande distribution nous a confié avoir reçu au cours de la seule année 2023 , au total 335 missions de contrôle de diverses administrations publiques, notamment : 87 des collectivités territoriales décentralisées, 64 du ministère de l’industrie, 60 du Mincommerce, 38 du Ministère de l’énergie, 13 de l’ANOR, 11 de la Direction générale des Impôts, 11 du Ministère du Travail, pour ne citer que celles-là ! C’est insoutenable.

De manière général, le Patronat est en attente des mesures urgentes pour améliorer la cohésion gouvernementale et la célérité dans les prises de décisions. Un véritable électrochoc gouvernemental est nécessaire.

A court terme, et tout en saluant la démarche constructive de l’ensemble du Gouvernement observée depuis le début de cette année, dans l’évolution du dialogue public-privé, vers plus de régularité et nous l’espérons plus de fécondité,

Pour ce qui concerne la prochaine Loi des Finances, nous émettons le vœu d’une LF 2025, de relance économique marquée notamment par :

  • Une pause fiscal ;
  • Des mesures d’élargissement de l’assiette fiscal qui n’impacteront pas les entreprises déjà fortement taxées ;
  • La refonte de la taxe foncière et sur l’immobilier.

Telles sont les informations que nous avons cru devoir partager avec vous, en comptant sur vos réactions qui pourraient vous permettre, d’apporter plus amples explications ou d’éclaircir des zones d’ombre éventuelles.

Je vous remercie pour votre bienveillante attention. »

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