Giuseppe Renzo D’Aronco : « Il faut s’assurer d’une mise en œuvre effective du roaming en zone CEMAC le 01er janvier 2021 »

[Digital Business Africa] – Pour avoir un roaming mobile sans coûts additionnels en Afrique centrale, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) encourage les gouvernements de maintenir la date butoir du 01er janvier 2021. Explications dans cet entretien avec Giuseppe Renzo D’Aronco, Économiste au Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la CEA.

Digital Business Africa : Après la validation du projet de règlement communautaire relatif à l’itinérance et aux tarifs sur les réseaux de communications électroniques mobiles ouverts au public pour la mise en place d’un réseau unique en zone CEMAC par les ministres des télécommunications de la zone en fin février dernier à Douala, un processus auquel la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique à participer, vous dites qu’il faut tout faire à ne pas louper la date de 01er janvier 2021 pour sa mise en place.  Pourquoi ce nouvel appel ?

Giuseppe Renzo D’Aronco : Tout d’abord permettez-moi de remercier la CEMAC et la CEEAC pour leurs efforts constants qui ont permis en février 2020 d’adopter le règlement communautaire relatif à l’itinérance et aux tarifs sur les réseaux de communications électroniques dans la sous-région. Pour rappel, ce processus a été initié en 2009 par une étude que la CEA a réalisée, mettant en valeur l’intérêt et l’utilité pour la sous-région, d’avoir un roaming intracommunautaire afin d’accompagner l’intégration régionale et donc de faciliter les échanges commerciaux sous-régionaux.

Avec nos collègues de l’Union Internationale des Télécommunications, nous avons poursuivi ces dernières années, nos actions et nos plaidoyers auprès des instances de la sous-région, en vue d’accélérer la mise en place de cette itinérance. Aussi, nous nous réjouissons que ce dispositif en 2021 sera opérationnel tel que décidé lors de la réunion extraordinaire des ministres des télécommunications de la CEMAC de février 2020.

Permettez-moi également de rappeler, que la sous-région  Afrique centrale est une des régions d’Afrique qui a pris le plus de retard dans le développement des nouvelles technologies de télécommunications durant ces dernières décennies,  notamment sur le développement de ses  infrastructures de télécommunication dont les conséquences directes se  sont traduites par des tarifs de télécommunication élevés, notons que depuis quelques années suites aux investissements réalisés sur les backbonne sous régionaux,  les tarifs ont tendance à baisser.

En réponse à votre question, l’entrée en vigueur au premier janvier 2021 d’une itinérance mobile est un signal fort envoyé aux populations de la zone CEMAC, confirmant ainsi la concrétisation d’une volonté politique affichée par ses Etats membres, d’accélérer le processus d’intégration sous-régional d’une part et d’autre part de baisser drastiquement les coûts de communication  en roaming  ( voix, SMS  et data) et de  booster un écosystème numérique régional qui permettra aux startups de la sous-région de tirer le meilleur profit de cette réforme, d’où la nécessité de tout faire pour s’assurer d’une mise en œuvre effective du roaming le 1 janvier 2021.

Digital Business Africa : Mais si les restrictions sur les voyages internationaux du fait de COVID-19 sont encore en place d’ici la fin de l’année, est-ce pertinent de procéder à l’implémentation du roaming en zone CEMAC ?

Giuseppe Renzo D’Aronco : Comme vous le mentionner, le COVID-19 impose des restrictions de déplacements sous régionaux ayant comme conséquence un effondrement des revenus issus des frais d’itinérance (roaming), dont les revenus sont une véritable manne financière   pour les opérateurs téléphoniques dans la mesure où il s’agit essentiellement d’un service d’interconnexion générant de fortes marges.

Il nous semble plus que pertinent de poursuivre cette implémentation qui doit atteindre son point d’achèvement le premier janvier 2021.

En effet, un certain nombre d’actions intermédiaires doivent être menées par la CEMAC avec la participation de la CEA, afin de suivre les processus de mise en œuvre du cadre réglementaire, dont la signature de protocoles d’accords bilatéraux qui devront être généralisés au 31 décembre 2020 qui supprimeront toutes les surtaxes. Sur cette base au 01 janvier 2021, les tarifs des services de communications électroniques mobiles (voix, SMS et données) intra-communautaires seront alignés sur les tarifs nationaux.

Digital Business Africa : Quelle sera la nature exacte de l’arrangement sur le roaming en zone CEMAC ?

Giuseppe Renzo D’Aronco : Le règlement communautaire relatif à l’itinérance et aux tarifs sur les réseaux de communications électroniques mobiles est un document d’une vingtaine de pages comportant 23 articles, qui après discussion et examen minutieux par les experts de pays membres de la CEMAC a été validé sans réserve par la conférence des Ministres en charge des télécommunications  de la CEMAC.

Grâce à ce dispositif réglementaire dès le premier janvier 2021,  le tarif intra-communautaire de détail (Hors Taxe) qu’un opérateur de services d’itinérance peut facturer à ses clients en déplacement dans la zone CEMAC pour un appel émis en itinérance communautaire, à partir du pays visité vers les autres pays de la zone CEMAC, ne pourra pas  dépasser le tarif le plus élevé des appels nationaux de l’ensemble des opérateurs de cette zone.

Afin d’être concret, prenons l’exemple d’un abonné d’un pays A de la zone CEMAC qui se trouve en itinérance vers un pays B de cette sous-région, en émettant un appel vers un pays CEMAC, celui-ci sera facturé sur le tarif le national le plus élevé de ladite zone, soit en moyenne entre 50 à  90 FCFA la minute contre environ  690 FCFA à ce jour.

En ce qui concerne les appels reçus en itinérance communautaire, aucune facturation ne sera réalisée dans la limite d’une durée maximale de quatre-vingt- dix (90) jours consécutifs de séjour dans l’un des Etats membres de la CEMAC.

Pour le tarif de données en itinérance communautaire, un fournisseur de services ne pourra  pas dépasser le tarif le plus élevé du mégaoctet dans le pays visité dans la limite de seuil de volume de données défini dans les protocoles d’accords entre les régulateurs des Etats membre de la zone CEMAC.

Digital Business Africa : L’Afrique centrale n’est pas seulement la zone CEMAC. Tous les pays membres de la CEMAC sont également membres de la CEEAC.  Ne gagneraient-ils pas plus, de mettre en place un système d’itinérance à zéro coût dans toute l’espace CEEAC ?

Giuseppe Renzo D’Aronco : Merci pour la question, vous avez tout à fait raison d’autant plus que les six pays qui composent la CEMAC font également partie de la zone CEEAC. A cet effet, au cours des deux dernières années plusieurs actions ont été initiées par la CEEAC afin de mettre en place un roaming sous régional, nous sommes persuadés que le free roaming CEMAC aura un effet d’entrainement dynamique auprès des pays de la CEEAC, les incitants à rejoindre cette initiative qui pourrait s’inscrire  dans la cadre du projet de rationalisation des deux Communautés Economique Régionales.

Digital Business Africa : Quel est le feedback que les Ministres en charge des TIC ainsi votre organisme et l’UIT ont-ils reçu des opérateurs de téléphonie mobile dans la zone, sur cette question ? Sont-ils contents de perdre les recettes de surtaxes qu’on connait en ce moment ?

Giuseppe Renzo D’Aronco : Concernant la perte de recettes, je nuancerai votre propos compte tenu de l’expérience de l’Afrique de l’Est. En effet, trois mois après l’entrée en vigueur des accords d’itinérance, les appels entrants en itinérance au Rwanda en provenance du Kenya ont augmenté de plus de 950 pour cent, passant de 63’483 minutes en septembre 2014 à plus d’un million de minutes en décembre 2014, générant ainsi des recettes complémentaires plus que confortables pour les opérateurs.

Pour répondre à votre question, lors de nos différents travaux nous avons eu l’occasion de rencontrer plusieurs opérateurs de téléphonie mobile, qui nous ont fait remarquer que depuis deux ans environ ils avaient constaté une baisse de la part de leur recette issue de la téléphonie classique au profit de nouveaux revenus générés par les données internet et le transfert d’argent.

Concernant le roaming, la majorité des opérateurs s’attendaient à sa mise en place en Afrique centrale comme cela est déjà le cas dans les autres sous-régions d’Afrique tout en espérant un volume de transaction élevé afin de compenser la chute de tarification annoncée.

Digital Business Africa : Pendant que la zone CEMAC est en train de mettre en place un système de roaming sous-régional, il y a déjà un arrangement bilatéral sur cette question entre le Congo et le Gabon. Il se pourrait que le Cameroun et le Gabon négocient leur part.  Ces arrangements bilatéraux – ne sont-ils pas contreproductifs à l’effort multilatéral ?

Giuseppe Renzo D’Aronco : Vous avez raison de souligner cet accord, effectivement depuis le premier janvier 2020, le Gabon et le Congo ont mis en place un free roaming, fruit de la matérialisation des recommandations du protocole d’accord signé, le 5 octobre 2019, à Brazzaville entre les régulateurs télécoms des deux pays. D’autres projets bilatéraux notamment entre le Cameroun et la Gabon sont en cours de négociation pour la suppression des frais de roaming.

Aussi, nous considérons que ces accords bilatéraux issus de trois pays membres de la CEMAC sont loin d’être «contreproductif » pour reprendre votre expression, mais bien au contraire ils ont joué un rôle d’accélérateur pour l’adoption du règlement communautaire par leurs paires notamment sur le choix de la date du premier janvier 2021.

Digital Business Africa : Un mot de fin ?

Giuseppe Renzo D’Aronco : Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’opportunité qui est faite à CEA de s’exprimer dans votre magazine. L’adoption du free roaming est une avancée fondamentale en vue de la connectivité de la sous-région, elle constitue un passage incontournable pour la promotion de la culture du numérique à l’ère de la généralisation des TIC par l’ensemble des administrations et des citoyens.

Le règlement communautaire adopté par la réunion des ministres constitue l’un des premiers instruments juridiques communautaires, traduisant ainsi la volonté affichée des Etats d’asseoir définitivement l’intégration sous-régional tout en contribuant à une réelle valeur ajoutée à la dynamique communautaire.

Je terminerai mon propos en félicitant la sous-région de s’être dotée d’un tel outil qui lui permettra d’intégrer rapidement le projet de création d’un réseau téléphonique unique pour l’Afrique, tel qu’évoqué lors de la quatrième réunion des régulateurs des télécommunications de l’Afrique, qui s’est déroulée à Libreville au Gabon en 2018.

Propos recueillis par Abel Akara Ticha (CP)

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