Jumia admet finalement des fraudes sur ses performances au Nigeria et donne raison à ceux qui l’accusent de pratiques douteuses

 [Digital Business Africa] – C’est un revirement dans un scandale dont se serait passé volontiers le groupe d’ e-commerce Jumia, l’un des leaders du marché africain. Alors que le groupe vient une fois de plus de publier des résultats déficitaires marqués par une perte de 43 milliards de F.Cfa au second trimestre 2019, il est rattrapé par le rapport de Citron Research qui l’accusait de mener des pratiques commerciales douteuses et de s’être rendu de «fraudes évidentes». Alors qu’il avait initialement nié ces accusations, Jumia est revenu sur sa position, en admettant que ses agents commerciaux et ses employés au Nigeria manipulaient les ventes en passant des commandes qui ont ensuite été annulées.

Des accusations d’une gravité conséquente

Tout par de la publication d’un rapport de Citron Research qui accuse l’opérateur de e-commerce d’avoir surévalué ses chiffres dans son dossier d’introduction à la bourse de Wall Street en avril 2019.

De manière pratique, le rapport accuse Jumia d’avoir surestimé de 20 à 30% le nombre de ses consommateurs et marchants actifs. Egalement, Jumia est accusé d’avoir dissimulé le nombre exact de produits retournés, non livrés ou annulés, qui serait en réalité de 41%. En plus, Citron Research évoque aussi des « transactions douteuses » entre Jumia et Jeremy Hodara, l’un de ses co-fondateurs. Ce rapport indique qu’en février 2016, Jumia a vendu pour un euro symbolique de quatre filiales tanzaniennes à Jeremy Hodara. Jumia avait alors affirmé que «la transaction avait été motivée par l’intention de Jumia de cesser ses activités en Tanzanie et celle de Jeremy Hodara de diriger ses opérations en Tanzanie sous sa propriété exclusive. Mais celui-ci avait continué à exploiter les entités tanzaniennes sous la marque Jumia.

« Malgré des revenus de seulement 238 milliers d’euros et des pertes nettes de plus de 3 millions d’euros en 2017, Jumia a de nouveau acquis en 2018 ces mêmes activités de Hodara pour un prix non divulgué. Au cours de la même année, Jumia a acquis Jumia Facilities, un service de paie et de support d’opérations basée à Dubaï et appartenant à Hodara pour un prix non divulgué », note le rapport qui relève par ailleurs que juste avant son entrée en bourse, un policier nigérian avait interrogé le DG de Jumia au sujet d’allégations de détournement de fonds frauduleux. De toute évidence, Jumia avait nié ces faits et avait dit n’avoir rien fait de mal, précise le rapport.

« Nous sommes sûrs que lorsque la SEC enquêtera sur Jumia, nous obtiendrons d’innombrables détails sur la fraude », commente le rapport. Lire le rapport de Citron Research ici.

Immédiatement après la publication de ce rapport, la conséquence ne se fait pas attendre. La hausse des prix des actions de Jumia a été brutalement stoppée à la bourse de New York. Dans la foulée, des investisseurs ont commandé plusieurs enquêtes auprès d’une dizaine de cabinets spécialisés aux Etats-Unis pour faire confirmer ou infirmer la véracité des chiffres publiés par Jumia sur sa réelle situation. Parmi les cabinets sollicités, Rosen Law Firm ; Bragar Eagel & Squire ou encore le réputé très rigoureux Holzer & Holzer.

Jumia

La volteface de Jumia

Dans un premier temps, Jumia a catégoriquement démenti ces allégations. Sacha Poignonnec, co-fondateur de Jumia était monté au créneau pour dénoncer selon ses dires, un rapport qui rentre dans une grosse opération de manipulation destinée à stopper le bon élan pris par Jumia avec son entrée réussie à la bourse de Wall Street : « Cela prend des préjugés sélectifs et des affirmations non vérifiées pour tenter de nuire à Jumia […] Ce ne sont que des rumeurs du marché plutôt que des faits. Le prospectus et le document d’investisseur cité en référence ne sont pas cohérents. […] Les documents sont calculés différemment, car le prospectus présente les consommateurs actifs de la même manière que nous présentons le volume brut des marchandises », avait-il affirmé.

Les explications du CEO de Jumia sur la BBC démentant les accusations de fraude

https://twitter.com/MaggieMutesi/status/1164479081506902016?s=03

Seulement, quatre mois après, les cabinets d’investigations ont menés leurs enquêtes et leurs conclusions sont disponibles. Des conclusions qui corroborent les accusations de Citron Research. Du coup, le groupe change de position.

Pour la première fois, Jumia reconnaît dans un communiqué publié le 21 août 2019 avoir découvert « des cas dans lesquels des commandes impropres ont été passées puis annulées. Celles-ci comprenaient des transactions effectuées par l’intermédiaire d’une équipe de consultants indépendants en vente au Nigeria, nommée J-Force ». Il explique ensuite que ces fraudes sont le fait des agents commerciaux indépendants qui avaient pour complice des employés.

Pour calmer le jeu, le patron de Jumia affirme que la société a licencié les agents de vente et écarter les vendeurs impliqués dans l’opération sur leur plate-forme. Dans la foulée, il relativise l’impact de ces fraudes : « Les transactions en question représentaient 2% du volume brut de marchandises en 2018 », ajoute Sacha Poignonnec. Aussi, Jumia affirme avoir pris des mesures pour que de telles pratiques ne puissent plus se reproduire.

Les explications du CEO de Jumia sur CNBC reconnaissant les fraudes

Incertitude pour la suite

Dans ce contexte, difficile de déterminer avec précision quel sera l’impact de ces nouvelles révélations sur l’avenir de Jumia. Au moins une chose est certaine, elle aura entamé la confiance des investisseurs et fait tourné au vinaigre son entrée à la bourse de New York.

Ecrit par Jephté TCHEMEDIE

LAISSER UNE RÉPONSE

SVP, entrez votre commentaire!
Veuillez saisir votre nom ici

spot_img

Plus d'infos

Cameroun : Le ministère de la Comm’ et le...

Cameroun : Le ministère de la Comm’ et le CNC vent debout contre  les Fake news et...

« Le réveil des internautes » de Japhet Djetabe,...

« Le réveil des internautes » de Japhet Djetabe, une invite à la citoyenneté sur internet 

Les 10 propositions des acteurs camerounais du numérique pour...

- Un collectif d'acteurs du secteur du numérique au Cameroun a publié ce 27 mars 2024...

Sur votre mobile

Si vous avez aimé ce texte, vous aimerez bien bien d'autres. rejoignez notre canal Telegram et notre chaîne WhatsApp pour ne rien manquer de nos infos stratégiques et de nos exclusivités.

Chaine WhatsApp de Digital Business Africa