Joseph Kamgue [PDG Kakotel Cameroon SA] : « La mise en place du Comité de règlement des différends de l’ART est une bonne chose »

[Digital Business Africa] – Le nouveau Comité de règlement des différends (CRD) de l’Agence de régulations des télécommunications (ART) créé le 30 juillet 2021 a tenu sa première audience le 02 septembre 2021 au siège de l’ART à Yaoundé. Premier différend sur la table, l’affaire Kakotel Telecom SA contre les opérateurs télécoms concessionnaires MTN Cameroon, Orange Cameroun et Viettel Cameroun (Nexttel).  

Joseph Kamgue Takougang, le PDG de Kakotel Cameroon SA, qui réclame des dédommagements à MTN, Orange et Nexttel pour refus d’interconnexion se félicite de la mise sur pied de cet organe au sein de l’ART. Il appelle le régulateur non seulement à exiger aux opérateurs la mise en place ou le rétablissement de l’interconnexion refusée à Kakotel, mais également il invite l’ART à sanctionner lourdement les opérateurs qui n’ont pas respecté la loi afin de donner un signal fort aux investisseurs du secteur des télécoms.

Le PDG de Kakotel Cameroon SA qui indique que le verdit de l’ART pourrait tomber dans moins de deux mois s’est confié à Digital Business Africa. Interview.

Digital Business Africa : Votre affaire contre les opérateurs concessionnaires du Cameroun qui refusent de vous donner l’interconnexion était au menu de la première rencontre du Comité de règlement des différends de l’ART le 02 septembre 2021 à Yaoundé. Que faut-il retenir après cette audience ?

Joseph Kamgue : Le Comité de règlement des différends que l’ART est en train de mettre en place est une bonne chose. Tout simplement parce que depuis de nombreuses années les petits opérateurs se plaignent de ce que les opérateurs concessionnaires (MTN, Orange et Nexttel principalement) refusent de leur donner l’interconnexion pour des raisons aussi banales que futiles. Ils oublient en effet qu’en amont ils avaient signé un cahier de charges qui les oblige à donner l’interco aux opérateurs licenciés. La loi sur les communications électroniques dit clairement que le refus d’interco est passible de sanctions.

Donc, le refus d’interconnecter les petits opérateurs est extrêmement grave. Cela prive l’État de ressources additionnelles et empêche les jeunes camerounais ambitieux de développer leur business ou de trouver du travail dans l’industrie des telcos en dehors des Big Four (MTN, Orange, Nexttel et Camtel).

Ce ne sont pas ces Big four qui vont permettre au Cameroun de se développer. Ou pas seulement eux. Ce sont les petits opérateurs telcos comme nous avec l’agilité qui est la nôtre et notre forte capacité à implementer des solutions modernes qui permettront au Cameroun de gagner beaucoup d’argent. L’ART a compris cela et les pouvoirs publics encore plus.

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Digital Business Africa : Est-ce une satisfaction personnelle que votre affaire soit la première affaire convoquée par ce Comité de règlement des différends de l’ART ?

Joseph Kamgue :  Aujourd’hui, nous venons montrer que nous sommes capables de travailler avec les grands opérateurs. En réalité, ces derniers ont tout mis en place pour s’octroyer et se partager seuls le gâteau télécoms. Nous ne pouvons qu’être fiers de ce que le gouvernement et les pouvoirs publics aient décidé de s’attaquer à un domaine aussi porteur que celui-là.

Ce qui nous a motivé c’est qu’avec le peu de ressources que nous avons eues avec la brève interconnexion que Nexttel nous avait donnée, nous sommes parvenus à faire un chiffre d’affaires de 70 millions de francs CFA par semaine. Vous comprenez que si avec si peu de ressources on peut faire cela et on déclare cela aux impôts, c’est normal que les grands opérateurs ne travaillent pas avec nous. Parce qu’on était peut-être en train d’ouvrir la boite de pandore que les pouvoirs publics n’arrivaient pas à cerner.

C’est donc normal que le Comité de règlement des différends de l’ART puisse commencer par nous, parce que les informations que nous donnons vont aider le ministère des Finances, les Impôts et même l’ART à mieux comprendre et à mieux budgétiser les revenus réels et non les revenus supposés des opérateurs télécoms.

Digital Business Africa : Il y a quelques semaines, après plusieurs années de négociations, vous avez conclu avec MTN Cameroon un accord d’interconnexion pour les SMS. Quel est le sens de cet accord et n’est-ce pas un pas vers l’interconnexion voix avec Kakotel ?

Joseph Kamgue : Je crois que c’est parce que nous nous sommes largement déployés sur le territoire national en ouvrant des agences dans certaines villes. Ils n’avaient plus de raison de dire qu’ils ne travaillent plus avec nous. Ils font sans doute des réunions pour savoir ce qui se passe sur le terrain. Et ces derniers jours ils voient ce que nous faisons, car nous nous déployons véritablement sur le terrain avec nos nombreux produits innovants.

Ils se sont sans doute dit mieux vaut choisir l’un des meilleurs petits opérateurs avec qui on peut gagner de l’argent et ils ont choisi Kakotel. Ils se sont dit, pourquoi ne pas leur vendre les SMS, car c’est un produit marginal pour eux. Et ainsi montrer un signe de bonne foi de leur part.

L’ART va sans douter imposer aux grands opérateurs concessionnaires de nous interconnecter.

Joseph Kamgue, PDG de Kakotel Cameroon SA.

Digital Business Africa : Pensez-vous qu’après l’interconnexion SMS, l’interconnexion voix entre MTN et Kakotel va suivre ?

Joseph Kamgue : Le contrat que nous avons signé avec MTN intègre l’interconnexion voix, SMS et les services à valeur ajoutée. Mais, ils ont imposé qu’on commence par les SMS et qu’ils verraient plus tard si l’on pourrait avancer avec l’interco voix et les services à valeur ajoutée.

Toujours est-il qu’avec les audiences Comité de règlement des différends de l’ART, je pense qu’ils vont nous remettre dans nos droits. L’ART va sans douter imposer aux grands opérateurs concessionnaires de nous interconnecter et de nous permettre d’exercer normalement. Parce que c’est quand même incroyable que depuis plus de huit ans nous n’arrivons pas à travailler à cause du refus de l’interconnexion des grands opérateurs pour des raisons qui n’ont pas de sens.

Digital Business Africa : Quels sont vos attentes après l’ouverture de ces audiences auprès du Comité de règlement des différends de l’ART ?

Joseph Kamgue : Nous nous attendons à deux choses : Premièrement, que tous les grands opérateurs concessionnaires nous interconnectent afin qu’on travaille comme nous souhaitons le faire depuis des années. Et deuxième chose, que les dédommagements suivent. Parce que nous avons été bloqués pendant longtemps.

Il y a plusieurs entreprises qui étaient dans la même situation que nous qui ont fermé boutique. Certains promoteurs sont même morts et d’autres sont en prison. Nous ne savons même pas quelle alchimie nous faisons pour tenir depuis près de cinq ans.

Digital Business Africa : A combien évaluez-vous les dédommagements que vous attendez des opérateurs télécoms concessionnaires ?

Joseph Kamgue : Après quatre ans et demi, nos dommages et intérêts sont évalués à près de 47 milliards de francs CFA. Repartis auprès d’Orange Cameroun, de MTN Cameroon et de Nexttel. Nous avons signé avec Camtel un procès-verbal de conciliation totale. L’opérateur historique Camtel s’était engagé à nous interconnecter. Ce qu’ils ont fait. Nous avons avec eux une interconnexion voix, SMS et liaisons fibre optique.

Digital Business Africa : Quels sont les types de services innovants que vous proposez à Kakotel et qui apportent une plus-value par rapport aux offres existantes ?

Joseph Kamgue : En réalité, nous sommes un MVNO (Mobile Virtual Network Operator). Cela veut dire que nous apportons les mêmes services que les opérateurs concessionnaires. Mais, nous devons simplement nous appuyer sur leurs infrastructures. C’est peut-être pour cela que c’était difficile depuis, parce que ces grands opérateurs voyaient d’un mauvais œil une entreprise qui n’investit pas dans l’infrastructure venir offrir les mêmes services qu’eux.

Joseph Kamgue  [PDG Kakotel Cameroon SA] : « La mise en place du Comité de règlement des différends de l’ART est une bonne chose »

Ce n’est pas nous qui avons créé la loi. En France ou aux États-Unis, il existe des MVNO. Nous avons obtenu une licence en bonne et due forme au Cameroun ; nous avons respecté un cahier de charges ; nous avons recruté de nombreux jeunes, etc. Bref, nous sommes à plus de 3,5 milliards de francs Cfa d’investissements depuis plus de trois ans et nous ne travaillons pas. Cela se passe de tout commentaire !

Au Nigeria voisin, vous avez vu des opérateurs concessionnaires être sanctionnés en termes de milliards de dollars US. Il faut que le régulateur camerounais envoie un signal fort pour qu’ils ne fassent plus jamais ce qu’ils nous ont fait.

Cela va en même temps donner un signal fort aux investisseurs qui sauront désormais que s’ils investissent dans les télécoms et que les grands opérateurs refusent d’appliquer la loi, ils seront lourdement sanctionnés. Cela rassure les investisseurs qui sauront qu’ils peuvent se plaindre auprès de l’ART et l’ART frappe.

L’un des secteurs qui bouge le plus pendant cette période Covid-19 c’est le secteur du numérique. Mais, c’est toujours amorphe au Cameroun, parce que les gens ont peur d’investir pour ne pas être dans la même situation que Kakotel Telecom SA, GTS Cameroon SA ou encore Eto’o Telecom SA. L’ART qui est le régulateur doit poser un acte fort pour faire comprendre que nul n’est au-dessus de la loi.

Propos recueillis par B-O.D.

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