Victor Ndonnang : « Beaucoup de publicité mensongère sur la qualité de la connexion Internet »

Le secrétaire général de l’Ong Internet Society Cameroon Chapter décrypte la qualité, les coûts et les types de connexion Internet disponibles au Cameroun. Il propose par ailleurs des solutions pour une connexion optimale.

Comment jugez-vous la qualité des différentes offres de connexion Internet au Cameroun ?

Comme vous le savez sans doute, seulement 5% de la population du Cameroun a accès à Internet. Ce taux de pénétration reste très bas par rapport à la moyenne de 13,5% en Afrique et 15,8% pour l’ensemble des pays en développement selon l’Iut. Mais, de quelle connexion Internet a-t-on réellement accès ? Si nous parlons de connexion Internet à haut débit (débit supérieur ou égal à 256kbps) tel que définit par l’Union Internationale des Télécommunications, je dirais que les offres de connexion Internet au Cameroun sont très en dessous de la moyenne par rapport à d’autres pays africains (Sénégal, Guinée équatoriale, Kenya…) qui veulent faire de l’Internet un outil de développement économique et social.

 

Je dirais que la qualité des offres de connexion Internet qui existent actuellement au Cameroun est médiocre et n’est pas encourageant pour le développement de réelles applications Internet et e-services.

Vu la qualité de la connexion très souvent critiquée, peut-on dire que le Cameroun bénéficie du haut débit de la fibre optique ?

La qualité de la connexion Internet est critiquée avec raison au Cameroun. Le Cameroun est connecté au câble sous-marin à fibre optique SAT3/WASC depuis 2003, ce qui a considérablement amélioré la vitesse de la connexion au Cameroun. Ce raccordement à la fibre optique a permis de réduire le cout d’accès à la connexion Internet à l’international de 70%. Dans les principales capitales du Cameroun (Yaoundé et Douala), la connexion à Internet par satellite (VSAT) a presque disparu. Donc, je peux affirmer sans risque de me tromper que le Cameroun bénéficie moyennement de l’Internet haut débit offert par le câble sous-marin à fibre optique SAT3. Mais, beaucoup reste à faire pour que le Cameroun tire un bénéfice plus grand de sa connexion au câble sous-marin SAT3.  Internet haut débit reste hors de portée du Camerounais moyen et est encore loin d’être source de création d’emplois durables. Et aussi, le monopole de gestion dudit câble à fibre optique par l’opérateur historique Camtel n’encourage pas beaucoup la compétitivité, la concurrence et la baisse considérable des coûts d’accès à Internet au Cameroun.

Quelles sont les causes de cette situation ?

Les causes principales de cette situation sont selon moi les suivantes : le monopole de la gestion du câble à fibre optique par notre opérateur historique Camtel et l’absence d’un point d’échange Internet ou Internet eXchange Point (IXP) fonctionnel au Cameroun. L’organisation internationale à but non lucratif en charge du développement ouvert de l’Internet dénommée Internet Society (Isoc) a récemment publié les résultats d’une étude qui montre l’impact des dits IXPs sur les coûts d’accès à l’Internet. Il faut noter qu’un projet de mise en place de l’IXP au Cameroun est en cours d’imùplementation par l’association des fournisseurs d’accès Internet du Cameroun (Cixa). Un autre projet de vulgarisation des points d’echange Internet en Afrique est en cours au niveau de l’Union Africaine. A titre de rappel, l’IXP, permet au trafic Internet local de rester effectivement local. Plus besoin de voir la requête d’un internaute de Yaoundé souhaitant consulter un site web disponible à Douala transiter par la France ou les Etats Unis d’Amérique. Ce transit a un impact considérable sur le coût d’accès à Internet.

Enfin, je parlerais de l’absence des contenus internet locaux hébergés localement au Cameroun. Isoc dont j’ai parlé plus haut a également publié une autre étude réalisée en partenariat avec l’Ocde et l’Unesco et qui montre une réelle corrélation entre le développement de contenus locaux, le développement de l’Internet et les coûts d’accès à Internet.   Beaucoup restent donc à faire pour un développement effectif du Cameroun grâce à l’Internet à haut débit.

Quelles sont les différents types de connexion dont dispose actuellement le Cameroun ?

Actuellement au Cameroun, on dispose des technologies de connexion internet suivantes :

  • la connexion par réseau téléphonique commuté (Rtc). Il faut disposer d’une ligne téléphonique et d’un modem analogique. Le débit limité à 56kbps ;
  • la connexion par réseau téléphonique numérique à intégration de services Rnis ou encore Adsl (Asymmetric Digital Subscriber Line). Il existe trois types de technologies Adsl (ADSL1, ADSL2 et ADSL2+). Pour le moment, nous avons la technologie ADSL1 disponible au Cameroun avec un débit pouvant aller qu’à 8Mbits/s ;
  • la Liaison spécialisée (LS) en cuivre ou fibre optique. Le débit offert va jusqu’à 1gbps ;
  • la connexion par la technologie CDMA (Code Division Multiple Access).  C’est une technologie utilisée par le CTphone dont le débit va jusqu’à 256kbps ;
  • la connexion par Evdo (Evolution Data Optimised), basée sur la technologie CDMA, dont le débit va jusqu’à 9Mbits/s ;
  • la connexion par le réseau mobile GSM (GPRS ou 3G). Mais, nous n’avons pas encore droit à la technologie 3G au Cameroun. Le Cameroun est à la recherche d’un opérateur devant offrir cette technologie aux Camerounais si on s’en fit à l’appel lancé récemment par le Minpostel.
  • entre autres, on pourrait citer les technologies Wimax, Wifi, Vsat…

Les prix proposés correspondent-ils avec la qualité des connexions internet proposée ?

Je dirais de prime abord non. Il y’a beaucoup de publicité mensongère sur la qualité de la connexion Internet. Pour avoir une connexion Internet de qualité raisonnable au Cameroun, il faut payer au minimum 25 000 F Cfa/mois.

La qualité de l’offre de connexion Internet dans les villes et dans les villages est différente, comment venir à bout de cette fracture numérique entre les villes et les villages ?

Il faudrait une réelle politique de d’accès universel au Cameroun. L’Etat camerounais a déjà commencé à résoudre ce défi de l’accès universel à travers la mise en place des télé-centres communautaires polyvalents. Une telle politique permet à chaque Camerounais d’accéder aux services TICs depuis n’importe quel point du Cameroun. Il faudrait aussi une réelle politique d’aménagement numérique du territoire au Cameroun. On pourrait par exemple donner des facilités aux fournisseurs d’accès Internet qui rendent Internet disponible dans les zones rurales et villages. Enfin, je dirais qu’il faut le développement dans lesdites zones rurales. Je pense beaucoup plus aux énergies vertes comme l’énergie solaire, l’énergie géothermique. Nous sommes un des pays les plus ensoleillés du monde et disposons par conséquent de la ressource naturelle pour alimenter en énergie tous les Camerounais. Pour paraphraser l’économiste Américain Jeremy Rifkin qui parle de la troisième révolution industrielle dans son dernier livre, je dirais que nous avons intérêt à investir dans le développement de l’Internet et des énergies vertes si nous voulons un Cameroun émergeant en 2035.

Quelles sont les mesures à prendre pour que le Cameroun bénéficie à court terme d’une connexion ultra rapide ?

Il faut mettre en place des Points d’échange Internet (IXP) fonctionnels, diversifier les sources de connexion à l’international (fibre optique), libéraliser la gestion de la fibre optique et promouvoir le développement des contenus locaux, car les études ont montré qu’il y a une sous utilisation des capacités de la fibre optique. Nous devons produire du contenu pour nos internautes.

Propos recueillis par B-O.D.

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