Call-box cherche bonus

Téléphonie. Depuis la mi-décembre, les entreprises de mobile ont durci la répartition de ces avantages à leurs clients. Les petits revendeurs et la petite clientèle se sentent lésés.

Au quartier Ngoa Ekellé de Yaoundé, il est une rue qu’on a baptisée Bonamoussadi. C’est un rendez-vous où les étudiants se retrouvent pour faire des photocopies et autres petits

travaux de papeterie.

 

Une ruelle bordée de boutiques dont chacune offre un service qui a trait aux  Ntic. Une véritable cour des miracles pour les nouvelles technologies de l’information et la communication (Ntic). L’attraction ici n’est pas que les branchements anarchiques de câbles électriques, ou les faux de documents officiels, qui, semble t-il, sont vendus sur les trottoirs. Il y a aussi les prix des services des Ntic. La minute d’appel au téléphone portable par exemple a atteint le prix record de 25 Fcfa. Mais depuis la mi-décembre dernier, c’est de l’histoire ancienne. Ce lundi 9 janvier, plus un call-box n’affiche plus une carte des prix à moins de 50 fcfa. Mais encore, ce ne sont pas les vrais tarifs. La minute coûte en réalité 75 Fcfa. Un tremblement à Bonass, ainsi que l’appelle les étudiants, un bouleversement pour les call-box et leurs clients par delà la capitale.

Hubert Matiké revend du crédit de téléphone en demi-gros. Sa boutique est le seul « yello point» de Bonass. Une dizaine de téléphones sont posés devant lui ce matin vers 10 h. Il n’arrête pas de les triturer. Le lundi c’est la journée des comptes. Tous les call-boxeurs (l’essentiel de sa clientèle), qui ont consommé à crédit le week-end doivent rembourser.  Quatre longues listes sont disposées devant lui. Ce sont des numéros de clients, qu’il appelle sans discontinuer. Une grosse ride de concentration lui barre le front, ses calculs ne le satisfont visiblement pas. Il est absorbé par sa tache. Il explique, entre deux appels que ses affaires ont dégringolé «de 50% à peu près». «L’offre de la minute d’appel n’a coûté 25 Fcfa que le temps d’un produit qu’on avait lancé, où il fallait consommer 10.000 Fcfa en 24 h. Maintenant, c’est 75 Fcfa, on ne peut plus à moins».

Comme par effet d’entrainement, au quartier Manguiers, les call-boxeurs ne proposent plus la minute d’appel à moins de 75 Fcfa. Karamé, un jeune quadragénaire, nous exprimait son indignation : «Je suis allé pour effectuer un transfert de crédit. Je voulais 500Fcfa, la vendeuse m’a dit, que pour mes 500 Fcfa je ne pourrais avoir que du crédit pour 450 Fcfa. J’ai cru qu’elle me bluffait, j’ai essayé partout dans le quartier, mais c’était la même chose», explique t-il tout bouleversé. En fin de compte, il s’est résolu à s’acheter une carte de recharge à 1000 Fcfa.«Mais je préfère cela que de donner 50 Fcfa a des vendeuses», se console-t-il.

Fadimatou est revendeuse de crédit. Ce n’est pas à proprement parler une call-boxeuse, mais elle a une grande échoppe située devant un snack-bar à Manguiers. Sa clientèle est faite de noctambules, à l’en croire, de gros consommateurs de crédit de téléphone. Elle est l’une des premières à avoir modifié ses prix sur les transferts de crédit. « Si on augmente pas de 50 Fcfa le prix des transferts, on ne peut pas s’en sortir. Le transfert ne rapporte plus rien, je sens que je vais arrêter, je suis fatiguée d’expliquer aux clients que ce sont les entreprises de téléphonie qui ont augmenté les prix. On se querelle chaque fois», explique- t-elle.

Manœuvres sur le bonus

Bouba Kaélé, du service de marketing de Mtn, s’insurge contre cette explication qu’il trouve «simpliste».«Nous n’avons pas augmenté nos prix, nous avons modifié la répartition des bonus que nous offrions à nos clients », explique t-il. Selon lui, les call-boxeurs détruisaient la valeur de leur produit. « Notre produit le moins cher est de 1,5 Fcfa la seconde, soit 90 Fcfa la minute. Or, les call-boxeurs  vendaient aux clients les bonus plutôt que le crédit. Il y avait une tromperie, l’abonné ne recevait jamais le bonus auquel il a droit, il était lésé par les call-boxeurs. Nous avons procédé à une nouvelle répartition du bonus pour nous rapprocher de nos clients », précise-t-il.

Duval, vendeur de crédit en gros au marché central de Yaoundé, détaille l’opération:«Pour nous, il décortique le problème que jusqu’ici les uns et les autres n’ont fait qu’effleurer.«Le problème est survenu le 14 ou le 15 décembre. Jusque-là, avec la puce Evd commerciale, pour 10.000 Fcfa, on nous octroyait un crédit de 20.000 Fcfa. Maintenant, il faut 13.500 Fcfa pour 18.000 Fcfa. Pour le crédit Evd non commercial, pour la même somme, on vous donne 10.700 Fcfa ». Il y a aussi que les abonnés à la puce commerciale voient leur compte débité de 5%.Selon un schéma de Duval, la puce Evd est segmentée en trois parties : une partie pour le transfert simple où le compte est débité de 5%, une rubrique pour un transfert Evd (Electronic vouchers distribution) normal, où rien n’est débité et un compte bonus. Pour un crédit de départ de 15.000Fcfa, si le call-boxeur effectue un transfert de 10.000 Fcfa, à la fin de la transaction il se retrouve avec 4.500 Fcfa. Or, pour une puce normale, on ne lui retranche rien.

C’est donc sur l’importance du bonus que jouaient les call-boxeurs. Ils avaient une astuce qui en a enrichi plus d’un. L’abonné qui veut 2000 Fcfa de crédit,verse 1.500 Fcfa à son call-boxeur. Celui-ci programme alors un transfert de 5.000 Fcfa, qu’il envoie à son client. Le crédit qui parvient dans le téléphone de ce dernier se scinde en deux : 4000 Fcfa pour le compte me2u (un produit de Mtn) ou transfert simple et 2.000 Fcfa pour le compte bonus. Le call-boxeur se fait par la suite transférer les 4000 Fcfa, laissant au client les 2.000 Fcfa pour la grande satisfaction des deux parties.

 

“Ma vie n’est pas au répondeur”

Thierry Lele. Formé au métier d’infirmier, il opère aujourd’hui dans le secteur de la téléphonie. Avec ses économies, il veut reprendre ses études.

Difficile de discuter avec un « call-boxeur », surtout pendant ses heures de travail. Thierry Lele en est la preuve. Gérant d’un call-box au quartier Essos à Yaoundé, le jeune homme a à peine une minute à nous consacrer. Tant il est sollicité. Entre les appels, les transferts et les questions du reporter, le jeune entrepreneur ne sait plus où donner de la tête. Mais il sait précisément où il va. L’année prochaine, il compte reprendre ses études. Ses économies l’y aideront. Et il avoue en faire tous les jours, grâce à son call-box.

C’est en 2010 que  Thierry Lele, 23 ans, a décidé de se consacrer exclusivement à la vente du crédit de communication. A la suite de sa formation d’infirmier reçue au centre de formation des techniciens armés d’Ekounou, le jeune homme a eu une proposition d’emploi rémunérée à hauteur de 65. 000 F cfa par mois. « J’ai évalué la proposition et j’ai estimé que c’était peu. En plus, mon diplôme n’était pas reconnu par l’Etat. Le call-box était une solution provisoire, mais j’y trouve mon compte. Je fais un bénéfice journalier d’environ 4000 Fcfa. Par mois, ça te donne 120.000 Fcfa », avoue Thierry Lele. A peine deux ans, mais il dit avoir une épargne qui lui permettra d’ici l’année prochaine de reprendre ses études, « dans une école de formation dans les métiers de la santé, reconnue par l’Etat », précise -t-il. Et d’ironiser : « Ma vie n’est pas au répondeur ».

Cependant,  la baisse des super bonus accordés par les opérateurs de téléphonie mobile depuis plusieurs mois n’est pas sans impact sur le commerce de Thierry Lele. « Mon chiffre d’affaires a considérablement diminué. Avec ces bonus, je pouvais faire environ 350.000 Fcfa de recette par jour. Maintenant, j’atteins à peine 100.000 Fcfa ». Il explique que « parfois, les appels passés par les clients dépassent les tarifs fixés au préalable. Les bonus permettaient de combler ces pertes et de faire des profits ». Mais, Thierry ne voit pas ici une raison de se décourager. Au contraire, il sait qu’être « call-boxeur » est une aubaine pour lui et pour les nombreux Camerounais qui exercent cette activité.

Pourtant, il y a dix ans, le métier de « call-boxeur », on ne le connaissait pas. Peu à peu, il s’est imposé dans le secteur informel. Depuis, il est devenu incontournable. Pour preuve, de la diminution des super bonus, on en parle. Aujourd’hui, les « call-box » permettent de nourrir des milliers de familles. Certains vivent à leur aise grâce à l’argent généré par cette activité. Ce ne sont pas les histoires qui manquent. Thierry Lele en a une. Celle de son grand-frère qui vient d’acheter une voiture et en a fait un taxi. « Il s’est marié et a construit une maison avant de me céder la place que j’occupe actuellement », se vante Thierry Lele.

Irène Fernande Ekouta

 

Votre avis : Comment la suppression des bonus vous affecte- t-elle ?

“ J’ai réduit les appels ” : Bonaventure Tenkeu, commerçant

Depuis que les opérateurs de téléphonie mobile ont supprimé le “ bonus ”, j’ai réduit ma consommation. Avant, je déboursais 4500 Fcfa pour avoir le crédit de 6250 Fcfa au moins par semaine. Cela est désormais impossible. Je ne peux plus consommer plus de 2000 Fcfa la semaine. Il n’y a que les personnes qui me sont chères que je parviens à appeler, pour les autres je fais des Sms. Les appels sur le call- box sont devenus plus chers. On n’arrive même plus à causer pendant deux minutes et le crédit qu’on met dans le téléphone finit très rapidement.

“Mon crédit finit vite” : Alex Njonji, diffuseur transmettant

Récemment, j’ai fait un transfert de 1000 Fcfa dans mon téléphone orange. je n’ai même pas causé pendant trois minutes, le crédit était fini. Les bonus n’existent plus et nous ne pouvons plus appeler comme avant. je ne peux pas appeler mes opérateurs au call-box je préfère charger mon téléphone et je ne gagne plus rien dans les appels.

“Le call-box n’est plus important” : Guy Martial Kédi, ingénieur de génie rural

Lorsque les tarifs étaient à 50Fcfa et les bonus, je pouvais consommer environ 10000 Fcfa de crédit par semaine.  Le call- box n’est plus important. Désormais, on a supprimé le bonus et les appels sont devenus plus chers. J’ai aussi réduit les appels, parce qu’avec deux ou trois mille francs de crédit de communication, on n’arrive plus à causer avec cinq personnes. Et les appels au call box font dépenser plus d’argent.

“ Je subis ” : Richard Oum, photographe

Depuis la suppression des bonus sur les crédits de communication, je subis énormément les conséquences . Avec 2000 Fcfa de crédit de communication, je pouvais joindre beaucoup de personne, ce qui n’est plus le cas désormais. Quant aux appels dans les call-box, ils font dépenser plus d’argent. J’appelle beaucoup. Ma recette journalière en prend forcément un coup.

P.N.

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