Pourquoi les Camerounais piratent les logiciels

Le coût élevé des programmes informatiques est la cause principale de ceux qui craquent les logiciels  tant dans le secteur privé que dans les administrations publiques.

Selon une étude sur la piraterie des programmes informatiques dans le monde menée par la Business Software Alliance – une association mondiale d’éditeurs de logiciels – en 2010 et rendu public en mai 2011, le Cameroun est le troisième pays africain où la piraterie est le plus élevée. 82 % des logiciels installés sur les ordinateurs au Cameroun sont piratés d’après cette étude, qui révèle que le manque à gagner de ce phénomène en Afrique centrale et de l’Ouest s’élève à 27 millions de dollars, soit un peu plus de 13,5 milliards de francs Cfa.

Au Cameroun, étudiants, particuliers, entreprises, Pme et même les administrations publiques utilisent des programmes informatiques piratés. Cap par exemple à Bonamoussadi, le quartier estudiantin de Yaoundé. Ici, difficile de rencontrer dans une boutique de consommables informatiques Office 2010, Windows 7 ou encore des antivirus d’origine. « Qui va acheter cela ici ? Il y a des étudiants ici qui sont spécialistes de la piraterie et de la contrefaçon des logiciels. Dès que vous achetez votre ordinateur et que vous voulez des programmes informatiques, vous payez 5 000 francs Cfa au maximum et vous avez tout ce que vous avez. Tout », confie Martial Simo. Vendeur, il proposait par le passé des antivirus d’origine, mais ces antivirus, il les a finalement utilisé lui-même ou offert à des proches faute de clients.

Dans les Pme, nombreux sont ceux qui utilisent des programmes piratés. « C’est un problème d’argent. On veut bien utiliser les logiciels de qualité afin d’éviter les mauvaises surprises.  Mais quand vous demandez le prix en boutique, vos êtes scandalisé. Certains magasins vous demande plus de 75 000 pour Windows 7, alors qu’à coté vous avez un cousin informaticien qui peut vous installer cela gratuitement », explique Jean, employé dans une société de messagerie de la place. En ce qui concerne les prix, à Teg par exemple, à l’avenue Kennedy, il faut débourser 85 000 Francs Cfa pour avoir Windows 7. A Aladji Informatique, les prix varient entre 65 et 90 000 Francs Cfa en fonction du système d’exploitation sollicité.

La technique

Dans les administrations publiques, certains responsables utilisent sur leurs ordinateurs des logiciels piratés. « Il m’est arrivé à installer des logiciels dans les ordinateurs de certains cadres du ministère du Commerce. Il avait un problème sur son ordinateur personnel et m’a appelé. On a réinstallé sa machine et installé les logiciels piratés », confie Sébastien, informaticien. Il affirme gagner assez d’argent quand il installe des logiciels sur les machines. « Les prix varient en fonction des personnes qu’on a en face de soi. Généralement, c’est entre 5 000 et 30 000 francs Cfa. Je peux aussi le faire gratuitement pour un ami, un frère », affirme-t-il.

Fin connaisseur des méthodes Sébastien explique comment il s’en prend : « Pour Windows 7, il y a deux types de procédé pour la version piratée. Les copies des disques originaux non modifiées et les copies modifiées des disques originaux. Pour la première catégorie, vous l’installer normalement et vous l’utiliser pendant 30 jours. Après la licence vous est demandé pour l’activation. Si vous n’avez pas acheté de licence, j’utilise des nombreux activateurs que je télécharge sur le net pour trouver une fausse licence. Les copies modifiées des disques originaux sont disponibles sur Internet. Des programmeurs pirates le proposent déjà avec des licences. Mais ils peuvent y intégrer des logiciels malveillants, des spywares et aussi des programmes utiles ».

Au niveau des revendeurs des programmes informatiques, l’on affirme que les meilleurs clients sont les administrations publiques et certains cadres. Jacques Nong, responsable technique à Aladji informatique explique : « Nos principaux clients sont ceux qui livrent dans les marchés publics et les ministères. Le système d’exploitation le plus demandé est Windows 7 et le logiciel d’application le plus sollicité est Office 2010. Il y a très peu de particuliers. Certaines entreprises qui ne veulent pas de mauvaises surprises achètent aussi. Il faut noter que nous vendons aussi des ordinateurs avec la version originale de Windows 7 déjà installée ».

Si le phénomène de la piraterie des logiciels est assez important au Cameroun, les conséquences peuvent est désastreuses pour les utilisateurs.  Lors de certaines mises à jour, les éditeurs peuvent détecter la faille et bloquer le programme ou l’ordinateur ; les logiciels malveillants installés peuvent vous espionner et collecter des données personnelles à de fins diverses. Le pire peut aussi arriver : la perte de tous vos fichiers et documents. Même si ce n’est pas encore le cas au Cameroun, des poursuites judiciaires peuvent être engagées contre ceux qui utilisent les programmes non originaux. Pirater ou pas ? A chacun de juger de la nécessité en connaissance de cause.


La piraterie en Afrique

Pays

Taux

Zimbabwe

91%

Algérie

83%

Nigeria

82%

Cameroun

82%

Zambie

82%

Kenya

79%

Botswana

79%

Cote d’Ivoire

79%

Source : Bsa Global Software, may 2011

 

« Au Cameroun, la piraterie est stable et ne recule pas »

Serge NtamackSerge Ntamack. Le responsable anti piratage et de la propriété intellectuelle à Microsoft Afrique de l`Ouest et du Centre présente sa stratégie de combat au Cameroun.

La piraterie des logiciels en Afrique est assez grandissante. Au niveau de Microsoft, y a-t-il des actions  de répression en Afrique et au Cameroun notamment ?

A notre niveau, il y a des actions qui sont faites à trois niveaux. Premièrement, la sensibilisation. Notre investissement primordial aujourd’hui c’est sur la sensibilisation. Bientôt par exemple, on aura un clip télé sur les risques d’utilisation des logiciels piratés et les avantages des logiciels originaux. Deuxièmement, nous allons travailler avec le gouvernement. Dans un passé récent au Cameroun, cela n’a pas été possible. Nous sommes en train de travailler cela avec des organismes comme la Sociladra, pour s’assurer qu’ils nous aident à protéger nos droits d’auteurs. Notamment auprès des revendeurs indélicats. Il faudrait s’assurer que les entreprises qui utilisent les logiciels Microsoft soient en règle. Si vous achetez un ordinateur, vous devez  exiger la présentation du certificat d’authenticité. C’est la première preuve que le logiciel est authentique. Troisièmement, nous œuvrons sur le plan technologique. Aujourd’hui, si vous utilisez un logiciel piraté ou craqué, comme disent les hackers, il y a des fortes chances que lorsque vous êtes présent sur Internet et que vous voulez faire des mises à jour, vous retrouvez un message qui vous informe que votre logiciel est piraté et que vous devez vous mettre en conformité.

Après avoir reçu ce message, si l’on persiste dans l’illégalité, y a-t-il des conséquences ?

Si vous persistez dans l’illégalité, il peut arriver que vous vous retrouviez avec un écran noir.

Cela est-il déjà arrivé au Cameroun ?

Oui, c’est déjà arrivé. Mais, ce n’est pas ce que nous souhaitons. Ce n’est pas le but, parce que nous pensons qu’en général que les gens ne savent pas.

A combien évaluez-vous le nombre d’ordinateurs utilisant des logiciels piratés de Microsoft en Afrique et au Cameroun en particulier ?

D’après les derniers chiffres de 2010 d’un organisme qu’on appelle IDC, à peu près 80% des ordinateurs importés dans la région Afrique centrale et de l’Ouest ont des logiciels piratés. Au Cameroun, on est autour de 82%. C’est un phénomène assez grave. Néanmoins, la piraterie est en recul dans certaines zones de l’Afrique. Au Sénégal par exemple, l’on est à 78 % et en Côte d’ivoire aussi. Au Cameroun, le phénomène de la piraterie est stable et ne recule pas. L’étude a été faite essentiellement sur les ordinateurs importés dans ces pays.

Propos recueillis par B-O.D.

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