David Nkoto Emane : « Il y aura de nouvelles sanctions »

Le directeur général de Camtel revient sur le licenciement de neuf employés, après la découverte des détournements de fonds issus des cartes prépayés et autres malversations qui ont entraîné la perte de dizaines de millions de francs Cfa. Il évoque par ailleurs l’état de santé de l’entreprise et répond aux plaintes sur la qualité de services de son entreprise.

Vous avez récemment suspendu neuf employés de Camtel, accusés de détournements de fonds. On parle de 110 millions de francs Cfa volatisés. Comment est-on arrivé à cette situation ?

Le chiffre que vous avancez est exagéré. Ce n’est pas 110 millions, c’est moins que cela.  L’objet, c’est d’arrêter un phénomène qui veut prendre de l’ampleur à Camtel. Depuis six ans, je n’ai jamais licencié un employé à Camtel pour détournement, parce qu’on prêchait par la morale. On travaillait comme des patriotes. On se disait, cette entreprise, c’est la nôtre. L’Etat nous a fait confiance, il faut la gérer en bon père de famille. Mais, comme vous le constatez, lorsque vous gérez 2 600 personnes, tous ne peuvent pas avoir le même niveau d’éthique. C’est pourquoi ce phénomène (les détournements de fonds publics, ndlr), qui a voulu démarrer assez fortement a trouvé sur sa route les mesures qui vont décourager ceux qui veulent recommencer à toucher à l’argent de l’Etat. Il y a effectivement eu neuf personnes qui ont été suspendues, mais il y a d’autres qui ont été sanctionnées. Tout simplement parce que le niveau de fraude n’était pas assez élevé. Mais, le plus important c’est la dissuasion. Vous allez constater que, parmi ces personnes, il y en a qui sont bons. Mais cet esprit qui est en train de prendre corps dans l’entreprise doit être stoppé immédiatement.

A quand remonte le constat de ces détournements de fonds à Camtel, car beaucoup de personnes disent qu’il y avait ces problèmes depuis bien longtemps et qu’il n’y avait pas de sanctions ?

Avant d’arriver au licenciement, il faut trouver les preuves. La recherche des preuves est un processus qui prend assez de temps. C’est pour cela que je ne peux pas situer l’origine, mais à partir du moment où on a pu rassembler toutes les preuves, il y a eu un conseil de discipline, à l’issue duquel l’on m’a suggéré de procéder au licenciement de neuf personnes. Lorsqu’un chef d’entreprise prend ces décisions, c’est qu’il n’y a pas d’autres solutions.

Dans les constats, on parle de la région du Sud, où les détournements sont beaucoup plus élevés avec plus de 56 millions de Francs Cfa de dépenses injustifiées. Pourquoi trop de détournements là-bas et qu’est-ce qui fait problème ?

Je ne fais pas de distinction en ce qui concerne le personnel de Camtel. C’est vous qui m’apprenez qu’il y a trop de détournements dans la région du Sud. On peut choisir tous les critères que l’on veut. Ce serait trop compliqué que l’on procède ainsi.  Moi, je dis : il y en a qui ont fait des fautes et il faut qu’ils soient punis. Ceux qui se livreront encore à de tels actes auront le même traitement.

Au sein de Camtel, des voix s’élèvent pour dénoncer la discrimination dans les sanctions, arguant qu’il y a des personnes accusées de détournements depuis longtemps, mais qui restent impunies…

Je vous ai dit que la procédure de licenciement est une procédure assez délicate. Il faut que l’on ait toutes les preuves. Cela commence par un constat, un contrôle et une demande d’explication. Avec la réponse à la demande d’explication, si on constate qu’il y a non-lieu, cela s’arrête là. Si la fraude a effectivement eu lieu, il y a traduction au conseil de discipline. Le conseil de discipline, c’est l’avant dernière étape. A ce moment, il faut rassembler toutes les preuves, car on donne à l’accusé toutes les possibilités de se défendre. Très souvent, le directeur général ne fait qu’entériner la décision prise au conseil de discipline.

Y aura-t-il des sanctions à l’encontre des employés indélicats que l’on dit impunis ?

Oui, il y a aura des sanctions. Il suffit que nous ayons des preuves. Vous savez aussi qu’il y a pas mal de délation dans les entreprises. Il y a des coups bas et vous êtes bien placés pour le savoir. Avant d’arriver aux récentes sanctions, j’ai attendu bien longtemps après la tenue du conseil de discipline pour recommencer mes propres enquêtes, analyser mes preuves. Malheureusement, on est arrivé aux sanctions. Un chef d’entreprise, c’est çà. Il me semble que j’avais d’ailleurs donné des avertissements à certains. Au moment même où se tenait le conseil de discipline, d’autres continuaient. A ce moment, mettez-vous à la place du Dg. Même si vous vouliez gérer cela en père de famille et trouver des sanctions moins légères, quand vous constatez cet état de choses, vous êtes obligés de prendre des mesures coercitives.

A la suite  de vos enquêtes supplémentaires vous avez découvert manque à gagner de combien dans les caisses de la Camtel ?

Je ne peux pas citer des montants. C’était un long débat. Il y a des cas qui ont été traités pendant deux jours. Mais, le plus important était de savoir si l’acte avait été posé.

Envisagez-vous de poursuites judiciaires contre ces employés licenciés ?

Vous me posez une question délicate. Permettez-moi de ne pas y répondre.

Par ailleurs, votre collaborateur démissionnaire Godfroid Ondoua Ella vous réclame des mois d’arriérés de salaires et des indemnités. Sera-t-il payé ?

Monsieur Ondoua a déposé sa démission, il a dit qu’il ne fait plus partie des effectifs de Camtel et a demandé qu’on lui paye ses droits. Ces droits sont en train d’être calculés. Et lorsque nous allons payer les salaires, au même moment, on va lui payer ses droits.

Lorsque vous répondiez aux questions des députés il y a deux semaines à l’Assemblée nationale, vous avez évoqué la privatisation de la Camtel. Pour la restructuration de cette entreprise, quel est le scénario qui vous paraît bénéfique pour le Cameroun ?

Vous me demandez d’intervenir dans un domaine qui n’est pas le mien. Le domaine de la privatisation relève du gouvernement. Je dois dire que je suis le conseiller du gouvernement dans le secteur. Il faut déjà comprendre que les privatisations, chez nous, ont échoué, pour les mêmes raisons. Il faut savoir qu’avant que nous ne posions la fibre optique, le Cameroun avait une infrastructure qui ne répondait plus aux normes internationales. Le réseau de Camtel était absolument obsolète. Lors de la deuxième phase de privatisation, il y avait eu un opérateur qui avait réussi à acheter Camtel. Mais il est porté disparu aujourd’hui, parce qu’il a vu l’effort qu’il fallait faire pour remettre Camtel à niveau. Cet effort est colossal. Ce que j’ai toujours dit, c’est que pour vendre Camtel il faut d’abord améliorer l’infrastructure, notamment les réseaux. Ce qui est fait aujourd’hui. En tant que directeur général, vous comprenez bien que je préfère être directeur général d’une société  d’Etat qu’être directeur général d’une société privée. Encore que je ne suis pas sûr de l’être. Mais aujourd’hui, sil arrive que l’on vende Camtel, il coûtera beaucoup plus cher que ce qu’il devait coûter il y a cinq ans.

Plus cher, c’est combien ?

500 milliards de francs Cfa.

Beaucoup d’usagers se plaignent toutefois de la qualité de service du CT Phone et de l’Internet que propose Camtel…

Oui, Rome ne s’est pas construit en un jour. Mais, de plus en plus, nous insistons sur la qualité de service. Notamment, en ce qui concerne Internet. Regardez, par exemple, sur mon téléphone portable : c’est un poste CT Phone que je tiens en main. (Il lance l’ouverture de la page d’accueil de Google qui s’ouvre en moins de cinq secondes). Cela vaut mieux que tous les discours comme vous pouvez le constater.

Sur votre téléphone, il n’y a pas de problèmes, mais ailleurs les gens se plaignent…

Non, c’est la même chose partout. C’est rapide comme ceci ailleurs.

Dans les localités éloignées des grandes villes, il y a des plaintes autant sur la qualité de la connexion Internet que sur le réseau CT Phone …

Justement, dans les localités les plus reculées du pays, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il y a la même connexion que j’ai actuellement ici. Nous avons le même type d’équipement, que nous installons. Comme il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas accès au net là-bas, il n’y a pas de difficultés pour accéder au réseau. Quand je suis en zone rurale, j’ai plus facilement accès au réseau que lorsque je suis en ville. C’est comme si vous vous retrouvez sur une route où il n’y a que quatre ou cinq voitures, alors qu’en ville il y a des embouteillages.

Quelle assurance donnez-vous à ceux qui se plaignent ?

Depuis un mois déjà, nous avons amélioré la qualité du réseau. Notamment, l’Internet par CT Phone. Nous avons acheté de nouveaux équipements, qui sont tous reliés par fibre optique. Il y a, notamment, de nouveaux centraux qui fonctionnent sur IP. Nous nous sommes davantage rapprochés des clients dans les  grandes villes. Nous avons commencé par Douala et Yaoundé. De telle sorte que les clients ne soient plus distants de plus de trois kilomètres d’un centre de raccordement. Cela nous permet d’aller plus vite.  Je comprends que les gens se plaignent. Ils peuvent se plaindre, parce qu’il y a le vandalisme qui règne. Nous n’arrivons pas toujours à y trouver des solutions définitives. Les gens continuent à couper le câble, or pour le téléphone fixe, dès qu’on vous a coupé le câble, vous n’avez plus de téléphone. Vous allez dire à ce moment que Camtel ne marche pas. Ce phénomène persiste, il est permanent et nous pose d’énormes dommages. Notamment, au niveau de la qualité de services. Ce que nous sommes en train de faire, c’est d’enterrer tous les câbles. Cela coûte cher, mais nous allons le faire.

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