Giresse Njamen, auditeur Manager : « La DG de CAMTEL n’est pas responsable de la dette antérieure »

[DIGITAL Business Africa] – L’audit de la Chambre des comptes sur la gestion de comptes de CAMTEL entre 2015 et au-delà laisse cours à une interrogation. La DG actuelle Judith Yah Sunday est-elle responsable des incertitudes financières relevées par la Chambre des comptes ? Cette interrogation a dû traverser l’esprit de plus d’un.

Selon la juridiction, la dette bancaire de CAMTEL s’élevait à 412,1 milliards de FCFA au 31 décembre 2021. Cette dette provient de sa relation avec Exim Bank of China (90 %), qui ne fait pas l’objet d’enregistrements appropriés en comptabilité.

Pour trouver des éléments de réponse à cette question, DIGITAL Business Africa a donné la parole à Giresse Njamen. Il est auditeur Manager- risk Manager – Investigueur, certifé dans le management des organisations, diplômé de l’ University of Illinois Urbana – Champaign.

Plusieurs grandes boîtes se sont attaché ses services, notamment Union camerounaise des Brasseries (UCB) où il occupe le poste de chef du service des investigations depuis deux ans. Ou encore la CCA-Bank. Au sein de cet établissement bancaire, notre expert a été contrôleur interne pendant un an et quatre mois (juin 2022-septembre 2023).

Un background qui lui permet de jeter un regard critique sur la situation financière de CAMTEL, telle que présentée par la Chambre des comptes.

« Le cas de Camtel, certifiée ISO 9001:2015, mais faisant l’objet des incertitudes financières relevées par la Chambre des comptes, illustre une confusion fréquente entre la certification ISO et la santé globale d’une organisation. ISO 9001:2015 est une norme relative au management de la qualité, axée sur la satisfaction des clients, l’efficacité des processus et l’amélioration continue. Elle ne traite pas directement de la gouvernance financière ou de la gestion de la dette.

Ainsi, une entreprise peut être certifiée ISO tout en ayant des faiblesses dans sa gouvernance financière, sa stratégie ou ses choix d’investissement. Ce que cela révèle, c’est peut-être une application partielle ou formaliste du système qualité, sans réelle intégration à la gouvernance globale de l’entreprise. Dans de nombreux pays africains, la certification ISO est parfois perçue comme un label de prestige plutôt qu’un outil de management.

Cela pose la question de la cohérence entre stratégie, gouvernance, finances et système de management de la qualité. Si ces piliers ne sont pas alignés, le risque est grand de voir une entreprise certifiée ISO mais incapable de démontrer une bonne performance globale ».

A la question de savoir s’il est possible de remettre en question celle de Camtel, Jiresse Njamen répond :

« La certification ne valide pas la santé financière mais la conformité des processus qualité. Toutefois, face aux constats de la Chambre des comptes (dettes massives, absence de conventions d’emprunt, charges sociales croissantes disproportionnées), on peut questionner l’efficacité réelle du SMQ : – L’ISO impose la prise en compte des risques (y compris financiers et de gouvernance) dans la planification stratégique; – Si ces risques ne sont pas correctement identifiés et gérés, cela peut signifier que le SMQ est appliqué de manière superficielle ».

En d’autres termes, il ne suffit pas de remettre en question le certificat ISO mais plutôt la manière dont l’entreprise vit réellement la qualité dans son management global. Le problème n’est pas l’ISO en soi, mais son appropriation, conclut-il.

Le « crime financier » étant commis, il faut bien un responsable. L’expert trouve que la question de la responsabilité est complexe et doit être nuancée :

« Le rapport couvre les activités depuis 2015, donc avant la prise de fonction de l’actuelle DG. Une part importante de la dette et des faiblesses de gestion trouve également leur origine dans la gouvernance précédente. Toutefois, selon les principes de redevabilité et de gouvernance, la DG actuelle a la responsabilité :

de reconnaître les passifs hérités ;

de mettre en place des mesures correctives et une stratégie pour redresser la situation ;

de démontrer la transparence et la maîtrise des risques.

En management, on distingue toujours l’héritage des décisions passées et la responsabilité de l’équipe dirigeante actuelle dans la continuité de la gestion. Autrement dit : La DG actuelle n’est pas responsable de la création de la dette antérieure à sa prise de fonction mais elle est responsable de la manière dont elle gère cet héritage et du niveau de rigueur appliqué ».

La DG actuelle de CAMTEL, Judith Yah Sunday avait été nommée à la tête de la Cameroon Telecommunications le 14 décembre 2018 en remplacement de feu David Nkoto Emane, décédé le 17 septembre 2022. Il y aura passé 13 années à la tête de l’entreprise (de 2005 à 2018).

Par Jean Materne Zambo

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