Pour commercialiser la 4G au Cameroun, Vodafone a payé un milliard de Francs Cfa de frais de régulation

(TIC Mag) – En moins d’un an de service, Vodafone Cameroon a déjà versé à l’Etat près de trois milliards de F.Cfa. C’est ce qu’indique Antoine Pamboro, son directeur général. Soit deux milliards de F.CFA pour le paiement des taxes et impôts et un milliard de F.CFA au titre des frais de régulation.

Aussi, Vodafone Cameroon a déjà réalisé au Cameroun des investissements de l’ordre de 13,4 milliards de F.Cfa.  Ces chiffres ont été présentés par le DG de Vodafone Cameroon le 19 juillet 2017 à l’hôtel Hilton Yaoundé à l’occasion du lancement officiel du partenariat stratégique avec CAMTEL pour le partage du réseau de l’opérateur historique en vue de l’extension de la couverture 4G/LTE de Vodafone.

D’après Antoine Pamboro, « depuis le 29 Septembre 2016, forts de notre passion et de notre professionnalisme, nous avons à cœur de contribuer à l’économie nationale en fournissant aux Camerounais un service Internet d’excellente qualité pour leur permettre de saisir au mieux les opportunités de l’économie numérique ».

Ainsi donc, Vodafone Cameroon aura payé près d’un milliard de Francs Cfa au titre de ses frais de régulation. L’on se souvient tout de même des déclarations récentes de la ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, face aux députés de la nation. Elle indiquait alors que Vodafone ne s’était pas installé de manière légale au Cameroun. Aujourd’hui, l’on apprend que Vodafone, qui a toujours clamé avoir respecté les procédures d’usage, a, au titre des frais de régulation, payé près d’un milliard de francs Cfa.

TIC Mag s’est rapproché des cadres de Vodafone Cameroon pour en savoir plus sur cette déclaration et sur ce milliard de francs Cfa dépensé au titre de frais de régulation. L’on apprend alors, de source autorisée à Vodafone, que le paiement d’environ un milliard de F.Cfa au titre des frais de régulation représente le total des frais payés pour l’utilisation des fréquences, les frais des contrôles et des vignettes, les frais de l’homologation d’équipements et les contributions aux Fonds spécial des télécoms.

La genèse du problème Vodafone

Vodafone au Cameroun opère via l’entreprise Northwave SARL fondée en 2009 par des actionnaires camerounais. En 2010, cette société a obtenu une licence de première catégorie pour une durée de dix ans et a par la suite établi avec le Groupe Afrimax un partenariat stratégique afin de disposer des ressources financières nécessaires au déploiement de son réseau, désormais opérationnel depuis septembre 2016 à Yaoundé et Douala. En investissant ses ressources dans Northwave Sarl, Afrimax prend ainsi le contrôle de l’entreprise camerounaise (désormais actionnaire à 100%).

Northwave va ensuite saisir l’ART pour lui signifier son intention de lancer ses services sous la marque Vodafone. L’ART va exiger de Northwave la présentation des documents justifiant de son lien juridique avec Vodafone. Après vérification des différents documents produits par Northwave et Afrimax, c’est finalement en septembre 2016 que l’ART donnera son Go Ahead!

A noter qu’Afrimax qui revendique le titre de leader en Afrique subsaharienne en couverture 4G/LTE avec un spectre 4G de qualité dans 13 pays et des licences couvrant plus de 250 millions de personnes a signé en 2014 avec le groupe Vodafone « un accord de marchés partenaires » pour l’utilisation de la marque. C’est donc grâce à cet accord qu’Afrimax opère au Cameroun sous la marque Vodafone. Il faut noter que Afrimax est aussi opérationnel en Zambie, en Uganda et au Ghana.

Seulement, au Minpostel, certaines sources font savoir que Vodafone qui est une très grande marque ne devrait pas entrer au Cameroun par la petite porte. Car Vodafone est l’un des groupes de télécommunications les plus importants du monde avec des opérations de téléphonie mobile dans 26 pays, des partenariats avec des opérateurs dans 51 pays et des opérations à large bande fixe sur 17 marchés.

Arriver ainsi sur le marché camerounais pour offrir les mêmes services 4G que les opérateurs mobiles Orange et MTN Cameroun qui ont payé 75 milliards de F.Cfa afin d’acquérir les licences 4G et 3G ne plaît pas à bon nombre de personnes. D’autant plus que Vodafone dispose à ce jour de ses propres cartes SIM 4G comme MTN et Orange qui, évidemment, ne voient pas d’un bon œil le déploiement toujours plus poussé de Vodafone. Car celui-ci vient à coup sûr arracher leurs clients et restreindre leur part de marché dans le segment data, alors qu’il n’a pas autant investi qu’eux, murmurent-ils dans les coulisses.

Riposte du Minpostel

C’est pourtant l’ART, le régulateur télécoms, qui a octroyé les autorisations provisoires ou titre transitoire à Vodafone. En octobre 2016, la ministre rend public un communiqué dont la teneur est la suivante : « L’attention de mon département ministériel a été attirée par le fait que de nombreux opérateurs du secteur des télécommunications mènent leurs activités en violation de la réglementation en vigueur. Je tiens à rappeler que, conformément aux dispositions des articles 35 et 42 du décret du 14 juillet 2012, fixant les modalités d’établissement et ou d’exploitation des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation, la délivrance de licences ou de tout titre en tenant lieu, relève de la seule compétence du ministre des Postes et Télécommunications. »

Même si le communiqué ne cite nommément aucune entreprise, des sources internes au ministère des Postes et Télécoms (Minpostel) révèlent que la sortie de la Ministre Libom Li Likeng est consécutive à l’arrivée sur le marché camerounais de la firme britannique Vodafone.

Northwave Sarl commercialise donc ses services sous la marque Vodafone Cameroon avec l’aval de l’Agence de régulation des télécommunications (ART) qui considère Northwave comme un établissement d’exploitation des réseaux de communications électroniques, spécialisé dans la fourniture de l’accès à l’Internet à très haut débit et disposant d’un titre transitoire. Northwave SARL détient également de l’ART une licence de MVNO (opérateur mobile virtuel), apprend-on.

En clair, Northwave SARL est également autorisé à revendre du trafic téléphonique (appels et SMS) en s’associant à un opérateur télécoms détenteur d’une licence d’exploitation (MTN, Orange, Nexttel ou Camtel). Un peu à l’exemple de ce que faisait Set’Mobile (de Samuel Eto’o) avec Orange Cameroun. Le régulateur télécoms lui a déjà attribué des numéros courts à ce titre. Et il n’est donc pas exclu qu’en l’état actuel des choses, Vodafone Cameroon lance prochainement des services de téléphonie mobile en partenariat avec un opérateur local. Probablement Camtel avec qui il a déjà un partenariat pour le partage du réseau Camtel en vue de l’extension de la couverture 4G/LTE de Vodafone sur l’ensemble des dix régions du pays.

La démarche de l’ART qui a attribué ces titres transitoires à Vodafone Cameroun (Northwave SARL, précisément) ne plait donc pas visiblement au ministère des Postes et Télécommunications, qui, depuis 2010, n’aurait plus été informé de l’octroi de ces titres transitoires. Raison pour laquelle la ministre avait tenu à rappeler dans son communiqué que, conformément aux dispositions des articles 35 et 42 du décret du 14 juillet 2012, fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation, la délivrance de licences, ou de tout titre en tenant lieu, relève de la seule compétence du ministre des Postes et Télécommunications. Les concessions, elles, sont délivrées par le président de la République en personne. D’où les différentes correspondances adressées au DG de l’ART d’alors, Jean-Louis Beh Mengue, par la ministre pour lui « faire observer que les titres transitoires délivrés par ses soins sont pris en violation de la réglementation en vigueur et sont de nature à mettre à mal la régulation du secteur stratégique des télécommunications dans un contexte sécuritaire sensible ».

A l’ART, c’est plutôt avec quiétude qu’on justifiait la délivrance de ces « titres transitoires » aux 22 opérateurs épinglés y compris à Northwave SARL.  Pour le régulateur, il ne s’agissait pas de s’arroger les prérogatives dévolues au ministère. D’après l’ART, les titres transitoires étaient délivrés parce qu’il y avait « l’absence d’un certain nombre de textes, notamment celui fixant les droits d’entrée et de renouvellement des licences », d’une part et par « le souci de ne pas bloquer ce segment de marché dont les acteurs participent à l’essor de l’économie numérique » d’autre part. Difficile à avaler pour d’autres observateurs au vu de ce que les opérateurs télécoms payent dans d’autres pays pour commercialiser la 4G.

Coûts de la 4G dans quelques pays en Afrique

Pays Montant de la 4G Montant total Opérateurs ayant souscrits Nombre d’années Date d’attribution
Cameroun 75 milliards de F.Cfa* 75 milliards de F.Cfa* MTN et Orange 15 ans Mars 2015
Côte d’Ivoire 100 milliards de F.CFa* 100 milliards de F.CFa* MTN, Orange, Moov (de Maroc Telecom en janvier 2016) 15 ans Décembre 2015
Sénégal 32 milliards de F.Cfa 100 milliards de F.Cfa** Sonatel 17 ans Juin 2016
Gabon 5,5 milliards de F.Cfa Airtel Gabon

Gabon Telecom***

10 ans Mars 2014
Congo Brazza 10 milliards F.Cfa MTN Congo Juin 2016
Mali 100 milliards de F.CFa* 100 milliards de F.CFa* Orange Mali 15 ans Juillet 2017

 

*Pour licence globale

** Sonatel a payé en même temps 68 milliards de F.Cfa pour le renouvellement concession

***Coût de la licence 4G de Gabon Telecom non publié

Source du Tableau : TIC Mag

La législation désormais complète

En plus de Vodafone, ils sont aujourd’hui 22 opérateurs qui doivent obtenir des autorisations nécessaires. Ils avaient été invité par la ministre à présenter et justifier la régularité de leurs opérations. Les textes qui manquaient il y a encore quelques mois sont déjà disponibles. Le Premier ministre, Philemon Yang, a signé le 6 avril 2017 le décret d’application No 2017/2580/PM du 06 avril 2017 fixant les modalités d’établissement ou d’exploitation des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques. Et le Minpostel et le Minfi ont fixé les conditions d’entrée.

De manière générale, Philemon Yang rappelle que l’exercice des activités d’établissement et d’exploitation des réseaux de fourniture des services de communications électroniques est soumis uniquement à l’obtention préalable d’une concession, d’une licence ou d’un agrément.

Le PM précise également que toutes ces autorisations sont délivrées uniquement par le ministère en charge des Télécommunications, et dans certains cas, de concert avec le ministre en charge des Finances et approuvé par le président de la République pour ce qui est de la concession.

Pour ce qui est de la licence, le décret du Premier ministre fait savoir que la demande doit se faire auprès de l’Agence de régulation des télécommunications qui dispose désormais de 45 jours (90 jours par le passé) pour l’étudier et transmettre sa conclusion au ministère en charge des Télécommunications. L’article 46 précise : « les licences d’exploitation de première et deuxièmes catégories sont délivrées par le ministre chargé des Télécommunications, sur proposition de l’Agence ».

En ce qui concerne le montant des droits d’entrée, le texte conjoint Minfi-Minpostel a été signé le 02 mai 2017. Par le passé, l’ART, en attribuant les titres transitoires, se justifiait en indiquant qu’elle exploitait un vide juridique issu des dispositions des articles 35 et 42 du décret du 14 juillet 2012 signé par le Premier ministre. La loi régissant les télécommunications au Cameroun, adoptée en décembre 2010 et révisée en avril 2016 prévoyait qu’un arrêté conjoint Minpostel-Minfi fixe le montant du ticket d’entrée d’un opérateur dans le secteur. Un arrêté qui n’existait pas encore. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Le décret du PM du 06 avril 2017 rappelle donc que « la délivrance et le renouvellement d’une licence sont soumis au paiement d’une contrepartie financière appelée respectivement « droit d’entrée » et « droit de renouvellement ». Le 02 mai 2017, un arrêté conjoint de Minette Libom Li Likeng du Minpostel et d’Alamine Ousmane Mey du Minfi indique que le droit d’entrée d’une licence dans le domaine des communications électroniques est composé d’une partie fixe et d’une partie variable indexée sur le chiffre d’affaires.

Pour ce qui concerne les réseaux de fourniture au public des services de communications électroniques par exemple, la partie fixe est fixée à 500 000 F.Cfa multiplié par trois éléments. A savoir, la valeur du coefficient de la zone (valeur de 10 pour Douala et Yaoundé par exemple), le nombre de localités à couvrir par la licence et par le facteur de dégressivité lorsque le nombre de villes à couvrir par la licence est supérieur à 10. La partie variable du montant du droit d’entrée est de 0,5% du chiffre d’affaires de l’entreprise. Le montant du renouvellement de la licence, lui, est de 5% du chiffre d’affaires cumulé sur les cinq dernières années.

L’article 5 de cet arrêté indique que la partie fixe du droit d’entrée et le droit de renouvellement sont payables en totalité dans les trois jours ouvrables suivant la notification de la licence au bénéficiaire. La partie variable du droit d’entrée, elle, est payée pour chaque année au plus tard le 30 avril de l’année suivante. L’arrêté conjoint précise que tous les paiements se font auprès de l’agent comptable de l’Agence en charge de la régulation des communications électroniques.

A ce jour, apprend-on, les opérateurs ont commencé à suivre les procédures des nouvelles directives et bientôt les premières licences seront délivrées par le Minpostel. La liste des premières licences octroyées par le Minpostel est donc vivement attendue ! A plus d’un titre.

Beaugas-Orain DJOYUM avec ICT Media STRATEGIES

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