[Digital Business Africa] – Face à ceux qui détiennent le pouvoir ou l’influence, la vérité n’est pas toujours la meilleure arme. Parfois, le silence peut peser plus lourd qu’un discours. Sundar Pichai, PDG de Google, l’a démontré face à Donald Trump lors d’un dîner d’État à Washington.
Il m’est souvent arrivé de me taire lorsqu’on a dit des contre-vérités ou des inexactitudes à mon sujet. Parfois, à la surprise de ceux qui connaissent la vérité. Mais il arrive que le silence et le respect soient les meilleures armes.
Surtout lorsqu’on a en face de soi celui qui détient le pouvoir, ou celui contre qui l’on ne peut rien gagner, quelles que soient les contre-vérités proférées.
Sundar Pichai, le discret patron de Google, en a donné une illustration magistrale ce 4 septembre 2025, lors d’un dîner d’État à la Maison-Blanche.
Donald Trump recevait ce soir-là les dirigeants des géants technologiques américains : Mark Zuckerberg (Meta), Bill Gates (Microsoft), Tim Cook (Apple), Sam Altman (OpenAI)… avec l’absence remarquée d’Elon Musk.
Au détour des échanges, Trump interpelle Pichai : « Google a passé une excellente journée hier. Voulez-vous parler de cette journée mémorable ? »
Le président faisait allusion à la décision du juge Amit Mehta qui a épargné Alphabet (maison mère de Google) d’un démantèlement brutal dans le cadre de l’affaire antitrust sur la recherche web. Verdict : pas de séparation forcée entre Google Search et Chrome. Résultat : Alphabet a gagné 230 milliards de dollars de capitalisation boursière en une semaine.
Face à Trump, Sundar Pichai reste humble :
« Je suis content que ce soit terminé », lance-t-il, déclenchant des rires dans la salle. Puis, il enchaîne en louant le « leadership » de Trump sur l’intelligence artificielle et la compétitivité technologique des États-Unis.
Puis, le président américain l’interrompit brusquement : « C’est Biden qui a intenté cette action en justice, vous le savez n’est-ce pas ? »
Une affirmation inexacte. Car, l’affaire des moteurs de recherche avait bien été lancée par le ministère de la Justice sous… Trump lui-même, lors de son premier mandat. Pichai sait la vérité. Mais il se garde bien de corriger son interlocuteur : le président américain qui le fixe.
Pourquoi ? Parce que la vérité, à ce moment précis, n’avait aucune valeur ajoutée pour lui. Pis encore : rappeler les faits aurait pu irriter le président et donc fragiliser Google. Ou impacter négativement les discussions sur les vieux dossiers judiciaires toujours pendants. Notamment ceux sur YouTube et la censure des comptes de Trump après l’émeute du Capitole américain du 6 janvier.
Voilà la leçon. Dans certains contextes, le silence vaut plus qu’un brillant discours de vérité. Avant de contredire un supérieur hiérarchique, un partenaire stratégique ou un allié politique, il faut toujours se poser trois questions simples :
- Qu’est-ce que je gagne à dire la vérité ici et maintenant ?
- Quelles en seraient les conséquences pour moi et pour mon organisation ?
- Est-ce le bon moment et le bon lieu pour rétablir les faits ?
Sundar Pichai a choisi de se taire à ce sujet et opté pour la célébration du leadership du président.
« L’ère de l’IA est l’une des plus transformatrices que nous ayons jamais connues ou que nous connaîtrons de notre vivant. Il est donc essentiel que les États-Unis soient à l’avant-garde. Je pense que votre administration y investit beaucoup… Le plan d’action sur l’IA, sous votre direction, est, je pense, un excellent début. Nous sommes impatients de collaborer. Merci pour votre leadership », a indiqué Sundar Pichai à Trump.
Comme le rappelle Warren Buffett : « Il faut vingt ans pour bâtir une réputation et cinq minutes pour la détruire. Si vous y pensez, vous agirez différemment. »
Ce soir-là, Sundar Pichai a choisi d’agir différemment avec un silence stratégique à ce sujet. Il a préservé sa réputation, celle de Google et de ses comptes bancaires.
Par Beaugas ORAIN DJOYUM