Fibre optique : une licence d’exploitation promise à ENEO qui cède 78 brins à l’Etat camerounais

(TIC Mag) – L’on semble être loin de la période de tensions entre l’agence de régulation de télécommunications (ART) et Eneo (ex-AES Sonel). Hier, 19 septembre 2016, ENEO a officiellement cédé au ministère des Postes et Télécommunications (MINPOSTEL) soixante-dix-huit (78) brins de fibre optique représentant l’excédent de capacité de fibre optique déployé sur le réseau de transport d’électricité par l’opérateur privé. Le régulateur télécoms camerounais avait sanctionné l’opérateur public d’électricité du Cameroun à une pénalité de 500 millions de francs Cfa le 18 décembre 2013 pour exploitation d’un réseau privé indépendant sans autorisation.

Le concessionnaire du service public d’électricité avait déployé en 2011 une fibre optique en aérien sur ses installations de transport d’électricité. Plus de sept cents (700) kilomètres de câble de fibre optique de 96 brins avaient été déployés par AES Sonel dans plus de 12 localités du Cameroun sur le réseau de transport et de distribution de l’énergie électrique, qu’il gérait alors (aujourd’hui, la Sonatrel prendra le relais).

TIC Mag avait déjà à l’époque relevé le caractère problématique de cette opération, car le déploiement de la fibre optique au Cameroun interurbaine reste encore une exclusivité de Camtel, l’opérateur historique. Même si l’on peut noter que quelques opérateurs comme Nexttel ont déployé leur fibre optique.

Après ces installations, Aes-Sonel avait sollicité en novembre 2011 auprès de l’ART « une licence de troisième catégorie » pour l’exploitation d’un « réseau privé indépendant » de fibre optique. Le groupe expliquait alors que ce déploiement avait pour objectif de faciliter ses communications et entrait dans le cadre de la mise en œuvre de son système d’information et de contrôle.

Déploiement illégal

Un déploiement illégal. Du moins, tel que confirmé par l’ART qui brandissait alors l’article 10 de la loi du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun. Cet article stipule que « sont passibles d’une pénalité de 100 millions à 500 millions de francs Cfa, les opérateurs et exploitants de réseaux de communications électroniques, qui établissent, exploitent un réseau ou service de communication électronique sans titre d’exploitation ». AES Sonel avait alors écopé de la plus lourde pénalité.

La sérénité entre les protagonistes semble donc de retour. Minette Libom Li Likeng, ministre des Postes et Télécommunications, Basile Atangana Kouna, ministre de l’Eau et de l’Energie, et Joël Nana Konchou, directeur général d’ENEO, ont signé ce lundi un protocole d’accord relatif à la cession de l’excédent de la fibre optique installée. Car toutes les parties reconnaissent qu’AES Sonel avait installé plus de capacité de fibre optique qu’il n’en avait besoin.

Plusieurs langues disaient d’ailleurs déjà que l’opérateur envisageait de commercialiser cet excédant et avait commencé des tests.  Accusations rejetées en bloc par l’opérateur qui expliquait que c’était uniquement pour les besoins de l’entreprise.

Une licence de troisième catégorie

Aujourd’hui, Minette Libom li Likeng affirme que c’est « l’aboutissement d’un long processus… et le point de départ d’un partenariat fort entre le secteur de l’électricité et celui des communications électroniques, partenariat sans lequel tous les projets de développement de l’économie numérique sont voués à l’échec, l’électricité étant la matière première indispensable pour le secteur des télécommunications ».

Les 78 brins de fibre optique cédés au Minpostel seront confiés le moment venu à un opérateur pour son exploitation et sa gestion, indique-t-on au Minpostel. Par ailleurs, un titre d’exploitation sera formellement délivré à Eneo pour les 18 brins nécessaires aux besoins propres de l’entreprise, conformément à la réglementation en vigueur. Sans doute la licence de troisième catégorie pour l’exploitation d’un « réseau privé indépendant » de fibre optique sollicitée en 2011 par AES Sonel.


Quand AES Sonel voulait commercialiser le haut-débit

AES-Sonel voulait-il être fournisseur d’accès Internet ? La réponse est OUI, confiait à TIC Mag à l’époque un cadre du Minpostel. « L’on n’installe pas 700 Km de fibre optique uniquement pour sa communication interne », justifiait-il. Au niveau de l’ART, réponse également par l’affirmative si l’on s’en tient à ce communiqué du régulateur publié en mai 2013 et invitant les fournisseurs d’accès Internet à plus de vigilance et de prudence : « L’ART porte à la connaissance de la communauté des opérateurs du secteur des télécommunications qu’ AES-Sonel et Creolink Communications ne disposent pas de titres d’exploitation nécessaires pour établir et pour commercialiser les capacités de transmission et appelle leur vigilance dans la location desdites capacités exploitées par ces entreprises ». En d’autres termes, AES Sonel commercialisait déjà les capacités de transmission, la fibre optique.

Le régulateur avait aussi, dans un communiqué, rappelé à AES-Sonel que « l’établissement et l’exploitation des réseaux des télécommunications ouverts au public ou à usage privé sont conditionnés par l’obtention d’une autorisation du ministre chargé des Télécommunications, après instruction de l’ART, aux fins d’assurer le développement équilibré des réseaux sur l’ensemble du territoire national ».

Mais, contacté par TIC Mag à l’époque, un cadre d’Aes-Sonel avait démenti l’information selon laquelle l’entreprise céderait contre paiement ses capacités à des tiers. « Nous les utilisons uniquement pour notre système d’information interne. C’est d’abord pour nous que nous avons déployé cette fibre optique », confiait-il. D’autres sources à Aes-Sonel confirmaient cependant qu’Aes-Sonel avait bel et bien l’ambition de démocratiser l’accès aux TIC et de commercialiser l’Internet à coût réduit auprès des populations camerounaises.

Mais comment ? « Nous voulions offrir de l’Internet par fil et nous étions au stade des négociations. Chaque fois qu’il y a eu achoppement sur les négociations, l’ART nous a menacés de sanctions. On voulait apporter au Cameroun la technologie du courant porteur en ligne (technologie visant à faire passer de l’information à bas débit ou à haut débit sur les lignes électriques en utilisant des techniques de modulation avancées. Encore appelée CPL, ndlr) », expliquait un cadre d’Aes-Sonel qui indiquait par ailleurs qu’à partir de cette technologie-là, les populations abonnées au réseau électrique pourraient facilement disposer d’une connexion Internet haut-débit à travers l’installation d’un dispositif supplémentaire simple.

Aujourd’hui, l’on y voit plus clair avec la cession au Minpostel des capacités supplémentaires de fibre optique installées par ENEO. L’opérateur utilisera les 18 brins de fibre optique qui lui restent pour ses besoins propres. A moins qu’il y ait rebondissement à l’avenir, car avec la vitesse de la fibre optique il y a forcément ceux qui vont plus vite que d’autres.

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