Dr Pierre-François Kamanou : « Un plan d’urgence doit être mis en place pour accélérer la pénétration de l’Internet mobile au Cameroun »

(TIC Mag) – Le directeur général de GTS Infotel Cameroon commente la récente sortie médiatique de la Banque mondiale et donne son avis sur la marche du Cameroun vers une société de l’information et de la connaissance.

TIC Mag : Lors d’un récent séminaire à Yaoundé, la Banque mondiale a estimé que le Cameroun ne réalise pas encore pleinement le potentiel économique du secteur des TIC. Pourquoi, d’après vous ?

Pierre-François Kamanou : En effet, sur le plan macro, ce rapport ne fait que confirmer ce que le Chef de l’Etat a lui-même reconnu dans son Message à la Nation le 31 décembre 2015 et je cite: « il nous faut rattraper au plus vite notre retard dans le développement de l’économie numérique. Celle-ci est un véritable accélérateur de croissance en plus d’être une véritable niche d’emplois pour notre jeunesse. Nous pouvons en tirer avantage pleinement ». Et tous les rapports statistiques publiés confirment que la plupart des indicateurs de performance du Cameroun dans ce secteur sont largement en dessous de la moyenne africaine en terme de taux de contribution du PIB, taux de pénétration de l’Internet fixe & mobile haut-débit, tarif d’accès à Internet ou encore en terme du développement des SVA.

TIC Mag : La BM constate tout de même que les SVA se développent progressivement. Particulièrement, le mobile banking. Qu’en est-il des autres sous-segments SVA ?

P-F.K. : Oui. Certaines banques et assurances ont commencé à offrir le service d’alerte SMS à leurs clients, mais souhaitent mettre en place un véritable portail USSD de services « Mobile Banking ». En tant qu’agrégateur SVA, nous recevons de plus en plus de demandes des entreprises de tous les secteurs économiques pour ce type de service USSD que nous ne pouvons malheureusement satisfaire, car nous restons en attente d’une offre d’interconnexion USSD de la part des Opérateurs GSM jusqu’à ce jour.

Le seul sous-segment SVA qui connaît un fort développement est celui du « Mobile Money sur portail USSD » exploité par les opérateurs Orange et MTN. Tous les autres sous-segments tels que : Cloud Enterprise Unified Communication, Mobile Marketing, Mutichannel Customer Service, Mobile Digital Content, sont quasi inexistants à ce jour ; preuve que les opérateurs mobiles ne sont pas en mesure de les développer massivement. D’où le constat relevé dans ce rapport de « manque à gagner considérable dans le développement des services de contenu et des services basés sur les TIC ». Par ailleurs, il me semble que c’est une des raisons pour lesquelles la BM recommande entre autres au gouvernement de faciliter l’entrée de nouveaux acteurs afin de permettre le développement des services OTT.

TIC Mag : Qu’est-ce qui explique le sous-développement du secteur de l’Internet, malgré l’essor du haut débit mobile ?

P-F.K. : Je ne dirai pas que le secteur de l’Internet est sous-développé, mais il reste encore fortement en deçà de son potentiel au Cameroun. Son état de développement n’est pas satisfaisant sur plusieurs points. Il me semble qu’un plan d’urgence doit être mis en place pour mesurer et améliorer la qualité de service offert par les opérateurs d’accès Internet et pour accélérer le taux de pénétration de l’Internet mobile haut-débit qui constitue un des fondamentaux de l’économie numérique. Ce taux est inférieur à 10%, donc loin derrière les pays tels que le Sénégal à environ 25%, le Gabon à 30% et le Ghana à plus de 60%.

TIC Mag : Pourquoi la mise en place d’une véritable économie numérique tarde-t-elle encore ?

P-F.K. : C’est vrai que le développement de l’Internet et de la téléphone mobile au Cameroun a démarré il y a près de 20 ans, mais c’est seulement depuis deux ans qu’on parle véritablement de l’économie numérique. Et il faut saluer les actions menées par le ministère des Postes et télécommunications qui a élaboré un « Plan Stratégique Cameroun Numérique 2020 » qui définit le plan d’actions prioritaires de l’économie numérique.

Dans le cadre de sa mise en œuvre, il appartient à tous les acteurs du secteur des Télécoms et TIC de prendre chacun en ce qui le concerne ses responsabilités pour un Cameroun numérique émergent en 2020. C’est dans ce contexte que GTS-Infotel se positionne désormais comme un nouvel opérateur alternatif de réseau virtuel des services OTT et SVA qui va offrir à travers son réseau Infotel une large gamme de solutions de communications numériques de type conversationnel et transactionnel sur le même numéro Infotel à préfixe 8.

Notre réseau Infotel répond parfaitement aux objectifs du Plan Cameroun Numérique 2020, notamment dans les domaines de la transformation numérique de l’administration et des entreprises, du renforcement de la confiance numérique, du développement de contenus numériques locaux.

Par ailleurs, il est regrettable de constater que le Cameroun reste l’un des rares pays au monde où les professionnels des télécoms et des TIC ne sont pas organisés en regroupement corporatiste. Lors de ma participation au congrès mondial du mobile en février dernier à Barcelone, j’ai noté la présence des délégations des organisations professionnelles des TIC du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Nigeria, respectivement OPTIC, GOTIC et ATCON, qui jouent un rôle prédominant dans le développement du secteur dans ces pays. Il me semble nécessaire et même urgent de mettre en place une organisation similaire, qui regrouperait tous les acteurs privés des différents sous-secteurs du Numérique pour assurer le développement inclusif de l’économie numérique.

TIC Mag : Qu’est-ce qui explique le niveau des prix de communications électroniques encore jugé élevé par certaines associations ?

P-F.K. : Je constate que les offres tarifaires de services Voix et Data mobiles sont assez complexes pour le grand public qui doit jongler régulièrement avec les nombreuses formules de forfait pour réduire ses coûts de communication. Et donc, je ne pense pas que les tarifs en soi soient élevés. Il me semble que c’est plus un problème de qualité de service et plus précisément de la stabilité de la connexion Internet. Je note également que depuis plus d’un an et contrairement aux autres pays, les opérateurs sont contraints de collecter les droits d’accises, qu’ils appliquent sur les tarifs des services de communication consommée.

Propos recueillis par Ruben Tchounyabe et TIC Mag

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