Dr EBOT EBOT Enaw : “Au Cameroun, il n’y a pas de dispositions légales autorisant le blocage d’un site web”

Le directeur général de l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication s’est ouvert au quotidien national bilingue, Cameroon Tribune, pour parler de la cybercriminalité et pour proposer quelques solutions au problème.

Quelle stratégie l’ANTIC a-t-elle adoptée en matière de surveillance des réseaux sociaux, phénomène récent au Cameroun ?

A l’origine, les réseaux sociaux étaient simplement des plateformes qui permettaient aux individus de partager des informations (photos, vidéos, message) via leurs profils.

Au fil des années, le nombre d’utilisateurs n’a cessé de croître, si bien que ces réseaux se sont imposés comme de véritables outils de communication et de marketing pour les entreprises. Cependant, leur utilisation n’est pas que bénéfique, ces réseaux pouvant être utilisés aux fins, par exemple, d’atteinte à l’ordre public.

Les personnes mal intentionnées et les groupes terroristes s’en servent aussi pour recruter des adeptes et diffuser des messages de propagande. C’est pour prévenir ces dérives pouvant émaner des réseaux sociaux que l’ANTIC procède, au travers d’outils de pointe, à une veille permanente sur les réseaux sociaux. Cette veille consiste à parcourir les différents profils des réseaux sociaux en vue de détecter des contenus illicites représentant une menace potentielle pour la sûreté nationale et l’image du Cameroun.

 

Comment l’ANTIC contrôle-t-elle les contenus disponibles sur ces réseaux sociaux et par ricochet sur différents sites Internet?

Effectivement, certaines personnes utilisent souvent des sites web pour proférer des propos tribalistes, calomnieux ou incitant à la haine. Pour endiguer cette pratique, nous avons une plateforme qui scrute la toile sur la base des mots clés, pour détecter les contenus représentant un danger pour l’Etat. En ce qui concerne les atteintes aux personnes, c’est à la suite d’une plainte d’une victime que des investigations sont réalisées avec le concours des Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) et des fournisseurs de contenus pour identifier l’auteur du contenu en question et prendre des dispositions pour le retirer du site ou y interdire l’accès, conformément aux dispositions de la loi. Quand les contenus ne sont pas hébergés au Cameroun, nous utilisons les relations de coopération avec les structures compétentes des pays étrangers pour résoudre le problème.

Dans quels cas avez-vous l’autorisation de bloquer l’accès à un site Internet ?

En l’état actuel de notre législation, il n’y a pas de dispositions légales autorisant le blocage d’un site web. Toutefois, la publication de certains contenus illicites étant réprimée par la loi N°2010/012 relative à la cybercriminalité et à la cybersécurité au Cameroun, notamment en ses articles 77 et 78, dans le cadre d’une instruction judiciaire et en fonction de la gravité de la situation, l’ANTIC peut bloquer l’accès à un site de manière conservatoire.

Il y a deux ans, l’ANTIC a lancé une opération d’identification des abonnés d’Internet. Cela peut-il limiter les dérapages sur la toile?

Ce projet revêt une importance capitale pour la sécurisation de notre cyberespace, notamment en ce qui concerne l’identification des cybercriminels en temps réel, parce que sur Internet, les terminaux et les connexions sont identifiés au moyen d’adresses IP qui constituent l’équivalent des numéros de téléphone. Donc, si les fournisseurs d’accès Internet n’identifient pas leurs abonnés, lors des investigations sur un crime, l’on ne pourra remonter que jusqu’à l’adresse IP, et non à l’abonné ayant utilisé cette adresse à cet instant précis.

Depuis le lancement de ce projet en 2012, nous pouvons dire que l’opération d’identification des abonnés Internet connaît une évolution satisfaisante, en ce sens que la plupart des Fournisseurs d’Accès Internet procèdent à une identification systématique des nouveaux abonnés, avant de leur procurer une connexion Internet. La difficulté se posait quant à l’identification des abonnés existants, mais fort heureusement, ce problème est en train d’être réglé.

Dans le même ordre d’idées, l’ANTIC a développé une plateforme qui interagit avec les réseaux des FAI et qui nous permet d’identifier les cybercriminels lorsqu’un forfait est commis. Cette plateforme est encore au stade de prototype qui interagit avec les réseaux des FAI.

Par quelles méthodes venez-vous en aide aux usagers camerounais, pour la plupart de nouveaux utilisateurs d’Internet, pour ce qui est de la protection de leurs données privées ?

Il faut mentionner que l’ANTIC a entrepris une vaste campagne de sensibilisation des populations sur la cybersécurité qui se déroule en deux phases. La première phase concerne l’organisation de séminaires dans les dix régions. Deux ont déjà été tenus dans les Régions du Centre et du Littoral l’année dernière. Cette année, nous serons tour à tour dans les Régions de l’Ouest, de l’Extrême-nord et du Sud-ouest du pays. D’ailleurs le séminaire organisé dans la région de l’Ouest s’ouvre ce matin (le 21 mars 2014, ndlr). La seconde phase de cette sensibilisation va porter sur une campagne d’affichage, la conception et la diffusion de spots radio et télé et la réalisation de courts-métrages de sensibilisation sur la cybercriminalité et la cybersécurité.

L’ANTIC a aussi conçu des guides de bonnes pratiques sécuritaires pour les enfants, les parents et les entreprises. Nous avons également le Centre d’Infrastructure Nationale à Clé Publique, la Public Key Infrastructure, qui est une infrastructure technique mise en place pour instaurer un climat de confiance et de sécurité dans l’usage des TIC, permettant ainsi à tous les utilisateurs des services TIC de garder confidentiels et en sécurité tous leurs échanges ou transactions sur Internet.

Par ailleurs, il importe de rappeler que l’ANTIC a mis sur pied un CIRT (Computer Incident Response Team) ou Centre d’Alerte et de Réponse aux Incidents Cybernétiques qui a pour missions, entre autres, de prévenir, par l’émission des bulletins et alertes de sécurité, les attaques pouvant survenir dans le cyberespace national, de surveiller en temps réel des systèmes sensibles dans l’optique de détecter et de réagir à toute tentative d’attaque ou d’intrusion, de collecter et d’analyser les preuves numériques dans le cadre des enquêtes et de centraliser les demandes d’assistance des entreprises et des usagers sur les questions de cybercriminalité. Nous invitons donc toutes les personnes physiques ou morales, victimes d’un incident cybercriminel, à bien vouloir saisir le CIRT via l’email [email protected] ou le numéro de téléphone 22 09 91 64.

Interview réalisée par Cameroon Tribune du 19 mars 2014

 

A lire aussi :

“We are not going to dump all the old screens with cathode ray tubes”

Dorine TETO : « Ringo est la troisième marque la plus connue au Cameroun »

Thierry N’Doufou : « Nous lançons la première tablette éducative africaine »

Tony Smith «Le Cameroun va passer à côté d’une immense opportunité, faute de vision…»

« La percée des satellites mobiles est possible dans un avenir prévisible »

LAISSER UNE RÉPONSE

SVP, entrez votre commentaire!
Veuillez saisir votre nom ici

spot_img

Plus d'infos

Beaugas Orain DJOYUM

Beaugas ORAIN DJOYUM au sujet des coupures de l’Internet...

– Depuis le 14 mars 2024, plusieurs pays africains desservis en connexion Internet par les câbles...
Nelly Chatue Diop 

Nelly Chatue-Diop : « Mon objectif en Afrique francophone,...

- Ejara est une plateforme d’investissement et d’épargne mobile basée sur la blockchain et adaptée aux...
Valentin Mbozo’o : « L’Afrique a besoin de nos solutions et du Gimac Pay »

Valentin Mbozo’o : « L’Afrique a besoin de nos...

– Le Groupement interbancaire monétique de l’Afrique centrale (GIMAC) et son partenaire AfricaNenda animent un atelier...

Sur votre mobile

Si vous avez aimé ce texte, vous aimerez bien bien d'autres. rejoignez notre canal Telegram et notre chaîne WhatsApp pour ne rien manquer de nos infos stratégiques et de nos exclusivités.

Chaine WhatsApp de Digital Business Africa