Réglementation des activités de l’économie numérique : quelle approche pour légiférer ?

[Digital Business Africa – Avis d’expert] – Le numérique constitue une nouvelle opportunité de développement, de croissance et de partage pour le pays, les entreprises et les citoyens. Il est également un formidable moyen de consolider la souveraineté de l’Etat et de renforcer les valeurs fondamentales nationales et citoyennes.

A cet effet, les technologies de l’information et de la communication doivent bénéficier d’une attention considérable, afin d’en tirer le plus grand profit, en raison de leur nature de catalyseurs de croissance et de développement.
A cette fin, le défi des gouvernements est triple : engager des actions de fond pour la transformation numérique avec un impact réel et palpable sur la politique économique, améliorer les conditions de vie quotidienne à travers le plus grand d’accès possible aux services numériques et aux facilités qu’ils apportent, et créer un environnement juridique capable de réguler, de sécuriser et de promouvoir tous les tenants de la vie et de l’Economie numérique.

A. Opportunités pour légiférer sur l’Economie numérique.

A.1. L’opportunité de légiférer immédiatement et d’entrer dans le marché planétaire de l’Economie numérique.

Les activités du numérique génèrent d’énormes sources de revenus, de la croissance et des emplois pour les jeunes, et notamment les promoteurs de startups numériques. Il s’avère opportunément indispensable et impératif de mettre à jour, créer et renforcer un cadre législatif et réglementaire rassurant et réellement incitatif pour les investisseurs et les autres acteurs nationaux et internationaux de l’Economie numérique qui veulent entrer dans le marché du pays considéré.

Une de loi d’orientation de l’économie numérique, ainsi que ses décrets d’application, vont pouvoir évincer conséquemment cette insuffisance, afin de permettre au pays considéré de bénéficier pleinement de la profitabilité des activités de l’Economie numérique internationale et nationale, dans tous les domaines considérés. 
Dans le cas contraire, des pays seront mis à l’écart des flux économiques numériques internationaux, en même temps qu’ils verront s’expatrier toute la valeur générée dans le secteur de l’Economie numérique. 
Ainsi, l’ambition des gouvernements devrait être de proposer un cadre nouveau, qui combine soutien à l’innovation et aux nouveaux modèles économiques, ouverture élargie et protection des données, protection renforcée des personnes, et déploiement de l’accès au numérique,

Une loi d’orientation de l’Economie numérique a donc pour mission de constituer le volet législatif des stratégies numériques des gouvernements, avec une ouverture sur le monde et une contextualisation en rapport avec les valeurs et les objectifs propres desdits pays, dans leurs postures intrinsèques et leur rayonnement international. Une telle loi peut s’organiser autour des objectifs ci-après : garantir l’accès au numérique pour tous, œuvrer pour la protection des individus dans la société du numérique, créer un environnement de respect de la vie privée selon les standards internationaux, favoriser la liberté d’expression et la responsabilité sur les réseaux sociaux, favoriser la circulation des données, favoriser les flux du savoir, faire bénéficier aux acteurs nationaux des flux internationaux et nationaux des valeurs numériques et celles issues de l’Economie numérique.

A.2. L’opportunité d’une loi-cadre ou d’orientation de l’Economie numérique.

La solution d’une loi-cadre présente le grand avantage de pouvoir décrire un programme avec des objectifs et des engagements à travers des principes généraux et des grandes orientations dans le domaine de l’Economie numérique. Ce qui laisse au pouvoir exécutif du champ pour développer de façon détaillée et mettre en œuvre le programme au moyen du pouvoir réglementaire.

Cette approche a des aspects positifs, pour le moins, qui sont tous liés au caractère dynamique, fortement innovateur et très évolutif des activités et services de la société de l’information. Ainsi, la loi va se limiter à la déclinaison des grands principes immuables communs à toutes les problématiques des activités politiques, économiques, sociales, culturelles, etc, face à la globalisation de la transformation digitale. Le corpus réglementaire va régir, en tant que de besoin, au gré de l’évolution technologique et de la demande de services numériques à fournir et, des activités numériques à mener.

A.3. L’opportunité de s’arrimer aux flux économiques numériques planétaires.

Une fois la loi-cadre et ses décrets d’application mis sur pied, le pays pourra avoir des arguments pour intéresser les acteurs de l’Economie numérique. A cet effet, il s’agira, d’une part, de se présenter aux investisseurs comme un espace encadré et protecteur.

D’autre part, il s’agira de permettre aux acteurs de l’Economie numérique, et notamment les startups, de devenir prestataires d’autres acteurs installés dans d’autres espaces économiques, et notamment l’Union européenne. 
Ceci est possible en élaborant des instruments juridiques dont la qualité des dispositions assure le même niveau de protection que lesdits espaces considérés. C’est ainsi, par exemple, qu’il faudrait procéder pour bénéficier de la qualité d’acteur dans les très lucratifs flux internationaux de données à caractère personnel.

B. Objectifs d’une loi-cadre de l’Economie numérique.

L’objectif principal d’une loi d’orientation est de mettre sur pied un cadre juridique crédible qui pose les grands principes directeurs de garantie, de régulation et de promotion des activités relevant de l’Economique numérique, dans tous ses tenants essentiels et majeurs, et notamment, le commerce électronique, la cyber sécurité, la protection des données à caractère personnel et de la vie privée, la liberté d’expression et les réseaux sociaux numériques, les contenus et les savoirs, la santé, la culture, la fiscalité, etc. 
Lesquels tenants pourraient être, de manière non exhaustive, ceux-ci-après : objectifs de l’Economie numérique, élaboration, mise en œuvre et suivi de la politique de l’Economie numérique, accès au numérique et droits dans la société numérique, solidarité dans l’Economie numérique, développement des technologies de l’information et de la communication, activités innovatrices, incubateurs et création d’emplois, collecte, protection et circulation des données, liberté de communication en ligne, circulation et vulgarisation du savoir, commerce électronique, sécurité dans le numérique, etc.

C. Méthodologie de mise en œuvre.

La méthodologie se décline en plusieurs aspects : la matière, les intervenants et la chronologie.

C.1. La méthodologie relative à la matière.

De manière générale, l’on peut partir des lois et règlements déjà existants, qu’il va falloir tout simplement intégrer dans la loi d’orientation, en prenant soin d’enrichir ou de supprimer les dispositions non pertinentes. Quant aux aspects qui ne sont pas encore existants, il s’agira de les élaborer ex nihilo.
Enfin, il serait primordial d’atteindre un niveau satisfaisant en ce qui concerne la qualité des dispositions et rechercher une approche permettant d’être conforme aux législations considérées, qui permettent à l’expertise nationale non seulement de capter les prestations, mais aussi de proposer des services et des contenus numériques à haute valeur ajoutée.

C.2. La méthodologie relative aux intervenants.

L’on peut faire élaborer le draft initial du projet de loi, en commettant tous les intervenants du secteur en charge de l’Economie numérique dans un premier temps : structures, opérateurs et acteurs relevant du département ministériel en charge de l’Economie numérique. 
Puis, il faudrait élargir le cadre de concertation aux autres acteurs des politiques sectorielles publiques.

C.3. La méthodologie chronologique.

Dans un premier temps, il s’agira d’identifier les grandes orientations et les grands principes internationaux auxquels il n’est pas possible de ne pas souscrire.

Ensuite, il faudrait identifier les spécificités sectorielles propres au pays considéré, garantissant la caractère inclusif du projet de loi, de sorte à ne pas laisser de côté un seul pan économique, social, culturel, politique, etc. Ce qui permettrait de secréter des textes qui sont en phase et en totale cohérence avec la vision générale. Chaque tenant du projet de loi sera accompagné de son projet de décret d’application.

En troisième lieu, il serait utile de construire un draft commun qui pourrait constituer le socle à soumettre à l’enrichissement national, à travers une plateforme en ligne, accessible à tous pour recueillir toutes les contributions, sans exception, ainsi que des votes, sur chacun des points critiques et essentiels du projet de loi. En quatrième lieu, les contributions pertinentes pourraient être recensées et intégrées dans le texte du projet de loi, en tant que de besoin. En dernier lieu, le projet de loi suivra son processus institutionnel classique de maturation et d’adoption.

D. Résultats attendus.

Le résultat attendu est une loi inclusive et de cadrage général, ainsi que les décrets d’application de chaque tenant majeur du projet de loi, notamment :

  • sur tous les domaines de l’Economie numérique ;
  • en phase avec les grandes problématiques mondiales de l’Economie numérique, et en adéquation avec les réalités nationales ;
  • permettant de démontrer la qualité et le niveau supérieur de l’environnement légal et réglementaire, économique, social, culturel et politique en matière du numérique.

Ce qu’il faut retenir

Le développement de l’Economie numérique induit la prise en compte du caractère international des activités de la société de l’information. Il y a lieu, par conséquent, d’adjoindre à la volonté politique la mise en place opérationnelle d’un cadre législatif et réglementaire opportun à hauteur de l’ambition économique et sociale que l’on se fixe. Ce qui permettra non seulement d’accompagner l’expertise nationale en la matière, mais aussi de faciliter son accès aux marchés très lucratifs de l’Economie numérique à travers le monde.

Par Laurent-Fabrice ZENGUE

Laurent-Fabrice ZENGUE est le Chef de la Cellule des Etudes et de la Réglementation à la Division des Affaires Juridiques du Ministère des Postes et Télécommunications (Cameroun). Il est Juriste, spécialisé en Droit du numérique et des données et Diplômé de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

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