Pourquoi l’arrivée de Stephen Blewett, nouveau DG de MTN Cameroon, doit appeler à plus de vigilance sur les tarifs de MTN et sur le paiement de ses redevances

[Digital Business Africa] – Sur son compte Twitter, les messages de bienvenue au Cameroun fusent. Quelques heures avant, ce 02 juillet 2020, Stephen Blewett écrivait : « Je suis très heureux de rejoindre la dynamique équipe de MTN au Cameroun ! Merci pour l’accueil chaleureux et les messages aimables de soutien ».

Ce ne sera pas son seul tweet qui annonce la nouvelle, car cela sera suivi d’un autre tweet comportant sa photo avec le goléador camerounais Samuel Eto’o Fils et d’un visuel du groupe précisant que Stephen Blewett prendra fonction au Cameroun à partir du 01er août 2020. 

https://twitter.com/StephenBlewett/status/1278742612355284993

Le Sud-africain remplace à ce poste le Néerlandais Hendrik Kasteel qui a quitté MTN Cameroon fin mars 2020 « pour des raisons personnelles » comme l’avait indiqué  le Sud-Africain Rob Shuter, PDG du groupe MTN, dans un communiqué en janvier dernier. L’intérim à la direction générale de MTN Cameroon était alors assuré par le Camerounais Alain Nono, directeur de MTN Mobile Money.

Des bisbilles avec les pouvoirs publics

Stephen Blewett quittera donc le Bénin après cinq années de service dans le pays de Patrice Talon. Un pays dans lequel son passage n’aura pas été de tout repos. Episode le plus retentissant, novembre 2017. Une décision du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Sacca Lafia, ordonne son expulsion du Bénin. «Il est mis fin au séjour de Monsieur Stephen Blewett de nationalité sud-africaine, pour avoir mené, sur le territoire de la république du Bénin, des activités attentatoires à la sécurité et à l’ordre public», indiquait l’arrêté du ministre béninois qui donnait dix jours au Sud-africain pour quitter le Bénin, au plus tard le 24 novembre 2017.

Parmi ces « activités attentatoires à la sécurité et à l’ordre public », Digital Business Africa avait alors appris que les plus hautes autorités du pays n’avaient pas du tout apprécié les « attitudes et méthodes peu catholiques » de Stephen Blewett envers les collaborateurs directs du président Patrice Talon qui exigeaient de voir clair sur les activités, dettes et redevances de MTN Bénin envers le pays.

Moins d’une semaine après cette sommation de quitter le Bénin, une décision de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste du Bénin (Arcep) datée du 17 novembre 2017, sommait l’entreprise Spacetel Bénin SA qui exploite MTN Bénin de payer aux autorités du Bénin, une somme de 134,4 milliards de F.Cfa, au titre de redevances impayées.

L’Arcep reprochait alors à l’entreprise sud-africaine de téléphonie de n’avoir pas payé un peu plus de 134 milliards de F.Cfa de redevances annuelles de gestion et d’utilisation des fréquences au titre des années 2016 et 2017.

Le recours gracieux sera introduit par le Sud-africain sollicitant la levée de sa sanction administrative conformément à l’article 33 de la loi n° 086-012 du 26 février 1986 portant régime des étrangers au Bénin. Ce qui lui sera accordé sans toutefois annulée son expulsion.  « La décision d’expulsion n’a pas été annulée. Nous l’avons juste différée », avait alors précisé le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique.

Pendant plus de six mois, Stephen Blewett fera profil bas et ne fera plus de sortie publique. Le groupe MTN entrera dans le processus de négociations jugeant ce montant « excessif » et proposant de procéder à un paiement de 60 milliards de F Cfa. Ce que refusent les autorités béninoises.

Le groupe MTN et Ralph Mupita au secours

Ralph Mupita,
Ralph Mupita, directeur financier de MTN Group / Photo : Waldo Swiegers / Bloomberg

Le 18 mars 2018, la tension monte encore d’un cran lorsque, commentant les résultats financiers du groupe publié le 8 mars 2018, Ralph Mupita, le Chief Financial Officer de MTN Group, menace ouvertement d’un retrait du groupe au Bénin… et au Cameroun. Une fois encore, l’opérateur évoque des frais « trop élevés » et poursuit néanmoins les négociations.

En effet, dans une interview à Bloomberg en mars 2018, Ralph Mupita indiquait que MTN avait lancé une étude pour voir, de ses 22 opérations en Afrique et au Moyen Orient, quels étaient les marchés où il pourrait se retirer à cause des faibles revenus, des guerres civiles ou encore des malentendus avec les régulateurs télécoms. Le Cameroun et le Bénin apparaissaient en tête de cette étude.

« C’est une grande priorité pour nous de résoudre ce problème à court terme. Si ce n’est pas résolvable, alors ce ne sera pas résolvable. Nous voulons trouver une solution à l’amiable pour rester au Cameroun », affirmait-il concernant la filiale camerounaise, avant d’ajouter « Nous nous battons dur pour rester dans ce marché, le sens économique doit prévaloir », parlant de la filiale béninoise. Même si les deux pays vont plus tard démentir l’intention de quitter ces marchés, le message, qui selon de nombreux observateurs avertis était en réalité un moyen de pression, était passé. 

Malheureusement, cela ne fait pas fléchir le gouvernement béninois qui reste droit dans ses bottes, sans réduire la sanction. Ce n’est que le 07 mai 2018 qu’un accord est trouvé. Celui-ci permet à MTN Bénin dirigé par Stephen Blewett  de payer ses redevances de fréquences 2016, 2017, par tranche. Même si dans son communiqué l’opérateur indique qu’il juge toujours le coût de ces redevances élevées et annonce poursuivre les discussions avec le gouvernement béninois en vue de sa revue à la baisse.

MTN Bénin indique également avoir demandé et obtenu du gouvernement béninois la prolongation de sa licence d’exploitation pour une durée de cinq ans, tout comme il a obtenu l’ajout de la fibre optique dans les conditions actuelles de sa licence.

Stephen Blewett
Stephen Blewett, nouveau DG de MTN Cameroon.

L’autre amende

Cette affaire ne sera pas la seule. Car en mars 2019, l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep) va infliger à MTN Bénin une autre amende de 1,345 milliard de F CFA pour « non-respect des obligations liées à l’exploitation de sa licence ». Cela représente 1  % du chiffre d’affaires de Spacetel pour le compte de l’exercice de 2017. Cette amende devait être réglée dans un délai de 60 jours, à compter de la date à laquelle la sanction lui a été notifiée, soit le 12 mars 2019.

Le régulateur reprochait à MTN Bénin des « irrégularités et  manquements » sur certaines de ses offres, principalement les « Forfaits maxi bonus » qui ont été observés par une mission de contrôle de l’Arcep tenue du 17 au 31 décembre 2018.

Ces griefs concernaient notamment des « manquements à plusieurs obligations contractuelles » de l’opérateur ; la commercialisation cumulative de l’ancienne et de la nouvelle offre autorisée ; le défaut d’implémentation de certaines options de la nouvelle offre autorisée au profit de la commercialisation des anciennes options ; la double implémentation d’une option avec des avantages différents sur le réseau ; le maintien de la tarification de 1 franc la seconde avec une durée de validité de 24 heures  contrairement à l’offre autorisée qui est de 0,85 franc la seconde avec une durée de validité de 48 heures ; maintien de la facturation des SMS à 14 francs au lieu de 5 francs autorisés ; impossibilité pour les abonnés de choisir sur le réseau l’option sans Internet lors de l’activation du forfait Maxi Bonus, entre autres.

Le 14 janvier 2019, l’opérateur avait été officiellement notifié de ces remarques. Il avait alors réagi en réfutant la plupart de ces accusations, affirmant par exemple que « le processus d’implémentation d’une offre ne permet pas la coexistence de l’ancienne et de la nouvelle offre dans le même menu d’activation… Il n’est pas techniquement possible d’obtenir sur le même menu d’activation, une même offre implémentée deux fois avec des avantages différents ».

Visiblement pas suffisant pour convaincre le régulateur à renoncer à sanctionner l’opérateur et à exiger le paiement intégral de cette amende. 

Vigilance sur les redevances dues et veille sur les tarifs de MTN !

C’est donc un DG ayant une forte expérience des problèmes et tensions avec les Etats et régulateurs télécoms qui est envoyé au Cameroun. Pays où MTN Cameroon, leader de la téléphonie mobile dans le pays avec 10 182 000 d’abonnés au 31 mars 2020, compte toujours de nombreux différents avec le régulateur, l’ART, au sujet du paiement de ses amendes et redevances.

Par exemple, en plus des redevances sur la fibre optique, MTN Cameroon avait été frappé d’une amende de 6,6 millions de dollars de la part de l’Agence de régulation des télécommunications ainsi que d’une réduction d’un an de sa période de licence pour n’avoir pas respecté la réglementation sur l’enregistrement du spectre et des abonnés. La même sanction était infligée à Orange Cameroun.

Et à ce jour, apprend-on, MTN n’a toujours pas réglé cette amende et plusieurs autres redevances qui restent en suspens. Les rencontres se multipliant à ces sujets.

L’on se rappelle qu’il y a exactement un an jour pour jour que MTN Cameroon avait écopé d’une amende d’un milliard de F.CFA. Le régulateur télécoms lui reprochait (comme à d’autres opérateurs) une indifférence à ses différentes mises en garde relatives aux manquements récurrents observés dans la mise en œuvre du décret N°2015/3759/PM du 03 septembre 2015 fixant les modalités d’identification des abonnés et des terminaux notamment la commercialisation des cartes SIM pré-activées, la commercialisation des cartes SIM dans les rues, la détention par des personnes physiques de plus de trois (3) cartes SIM et l’activation des numéros sans identification préalable.

Mais, le règlement de ces amendes et redevances restent toujours problématique et en suspens pour la plupart. Si bien que le DG, Le Pr Philémon Zoo Zame, prescrit parfois à ses collaborateurs « le recouvrement forcé » des créances de l’ART. La nouvelle PCA de l’ART, le Pr Justine Diffo, elle aussi évoque dans sa stratégie quelques méthodes pour faire payer à MTN et aux autres opérateurs leurs redevances et autres amendes.

Et les abonnés de MTN Cameroon ?

Stephen Blewett au regard de son expérience au Bénin, est-il envoyé au Cameroun pour régler ces différends ou alors pour tenir un bras de fer avec les autorités publiques et décideurs en charge de la gestion du secteur des télécoms ? L’avenir nous le dira. Son expérience en la matière sera probablement mise en service et exploitée.

Et les abonnés de MTN Cameroon dans tout cela ? Les tarifs de la data étant plus chers chez MTN Bénin qu’à MTN Cameroon, Stephen Blewett, aura-il tendance à implémenter des stratégies pour imposer une légère hausse sur les tarifs data au Cameroun ?

A voir les griefs à lui imputés par l’ARCEP Bénin en 2019 et rappelés plus haut, la question mérite d’être posée. Surtout quand on sait qu’au premier trimestre 2020, l’ARPU (Average Revenue Per User, chiffre d’affaires moyen réalisé par une entreprise avec un client sur une période donnée)  par abonné au Bénin était de 2 937,03 francs Cfa alors qu’au Cameroun il s’élevait simplement à 1 804 francs Cfa. 

Sa nomination à la tête de MTN Cameroon apparaissant comme une récompense pour son action à la tête de MTN Bénin, le nouveau DG défendra donc mordicus les intérêts du groupe sud-africain. Aux autorités publiques et décideurs en charge du secteur des télécoms et du numérique au Cameroun de veiller fermement aux intérêts de l’Etat et des abonnés !

Par Beaugas Orain DJOYUM

Lire aussi : Le Sud-africain Stephen Blewett, nouveau DG de MTN Cameroun et la Nigériane Uche Ufodile, nouvelle DG de MTN Bénin

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