[DIGITAL Business Africa] – La candidature d’Hiram Samuel Iyodi, investi par le Front pour le Développement du Cameroun (FDC), se distingue par sa volonté de rompre avec les paradigmes traditionnels. À travers son idéologie de l’Afro-Socio-Libéralisme, il défend un modèle fondé sur la prospérité partagée, le patriotisme économique et l’innovation numérique.
Son programme, contenu dans le Mémorandum sur le projet de société 2025-2050, fait du numérique et de la réforme monétaire les leviers essentiels pour transformer le Cameroun et l’inscrire dans une dynamique panafricaine d’intégration économique et technologique.
Points forts : une vision intégrée, moderne et panafricaine
- Une cohérence idéologique et stratégique.
L’Afro-Socio-Libéralisme d’Iyodi place le numérique et l’innovation au cœur de la compétitivité nationale et du progrès social, avec une volonté d’articuler la souveraineté économique, l’inclusion sociale et le développement technologique. - Un focus sur la jeunesse et l’entrepreneuriat.
Les propositions de défiscaliser les startups créées par des jeunes et de déployer des incubateurs régionaux et des hubs technologiques dans les principales cités universitaires traduisent une vision axée sur l’emploi et le dynamisme entrepreneurial. - Un patriotisme économique concret.
La création d’un fonds stratégique de garantie, les politiques de contenu local et le soutien au Made in Cameroun visent à renforcer le tissu industriel et numérique local. - Une ambition panafricaine audacieuse.
La réforme du franc CFA et le lancement d’une monnaie digitale panafricaine symbolisent la volonté de briser la dépendance monétaire et de stimuler les échanges intra-africains, tout en utilisant le digital pour élargir l’inclusion financière.
Points faibles : des ambitions confrontées aux contraintes du réel
Malgré sa vision séduisante, le programme d’Iyodi se heurte à d’importants défis structurels.
- Complexité de la réforme monétaire et de la monnaie digitale.
Le projet d’une monnaie digitale panafricaine soulève de multiples défis :
- Il nécessite d’abord une intégration monétaire africaine préalable, qui reste embryonnaire.
- L’exemple du e-Naira au Nigeria montre qu’un lancement isolé d’une monnaie digitale de banque centrale (MNBC) rencontre des obstacles majeurs : adoption lente, réticence des citoyens, faible interopérabilité avec les systèmes financiers traditionnels.
- Dans la zone CEMAC, le projet d’e-CFA porté par la BEAC a disparu. Plus de traces du Groupe de travail de 11 personnes créé par la Décision du gouverneur ABBAS TOLLI N° 144/GR/2023 du 13 septembre 2023 portant création de ce groupe de personnes chargées d’effectuer, en étroite collaboration avec le FMI, le suivi et la mise en place des travaux relatifs à la réflexion sur une monnaie numérique de la BEAC. Ce qui illustre les lenteurs institutionnelles et les débats sur la souveraineté monétaire entre États membres.
Cela souligne que sans convergence politique et économique régionale, le projet panafricain d’Iyodi risque de rester une aspiration difficile à concrétiser.
- Incertitudes sur la faisabilité financière.
La création d’incubateurs, le soutien fiscal aux startups, le développement d’infrastructures numériques et le lancement d’une monnaie digitale exigeront des investissements massifs et durables, dans un contexte où les marges budgétaires sont limitées. - Faiblesses institutionnelles et gouvernance.
Le succès d’un tel programme suppose un État agile et des institutions solides. Or, le Cameroun reste marqué par des lenteurs administratives, un déficit de coordination entre ministères et une gouvernance numérique encore embryonnaire. - Capital humain insuffisant.
Bien que le programme insiste sur l’innovation, il ne détaille pas de stratégie de formation massive pour doter le pays des ingénieurs, experts en cybersécurité et data scientists indispensables à l’essor du numérique.
Le défi majeur : concrétiser la souveraineté numérique et monétaire
Le principal défi pour Iyodi sera de traduire une vision panafricaine ambitieuse en politiques publiques pragmatiques et en actions coordonnées à l’échelle nationale et régionale.
Cela suppose :
- de mobiliser des ressources financières conséquentes, publiques et privées ;
- de renforcer les capacités institutionnelles et réglementaires, notamment pour soutenir les startups et encadrer la future monnaie digitale ;
- de former massivement les talents locaux pour accompagner la transition numérique ;
- et de fédérer les États de la CEMAC et de l’Union africaine autour d’une réforme monétaire commune, préalable à l’introduction d’une monnaie digitale panafricaine crédible.
Sans ces préalables, le risque est grand que le projet se limite à une vision inspirante mais difficilement applicable à court terme.
Une vision audacieuse à confronter aux réalités
Pour Digital Business Africa, la candidature d’Hiram Samuel Iyodi séduit par son ancrage panafricain et sa volonté de souveraineté technologique et monétaire, qui rompent avec les schémas traditionnels. Elle reflète une nouvelle génération politique prête à innover pour l’émancipation économique du Cameroun et du continent.
Cependant, la complexité de la réforme monétaire – illustrée par les difficultés du e-Naira au Nigeria et le blocage du projet e-CFA de la BEAC – ainsi que les contraintes budgétaires et institutionnelles, constituent des obstacles majeurs.
Le succès de cette vision dépendra d’un leadership capable de bâtir la confiance des citoyens, des partenaires africains et des investisseurs et d’orchestrer des réformes coordonnées entre gouvernements, secteur privé et institutions régionales.
Par Beaugas Orain DJOYUM
Digital Business Africa reviendra bientôt avec une interview exclusive du candidat pour lui permettre d’expliquer plus en détail sa vision numérique et de clarifier les zones d’ombre que nous avons relevées dans son programme.
Lire le programme intégral du candidat
Cet article fait partie du Dossier spécial Présidentielle 2025 au Cameroun de Digital Business Africa. Notre rédaction suit de près la campagne électorale et analyse les programmes des différents candidats, notamment leurs propositions en matière de numérique, d’économie digitale, de cybersécurité et d’inclusion technologique. Ce dossier vise à offrir aux citoyens, aux entrepreneurs et aux acteurs du numérique des informations fiables et comparatives pour comprendre les visions qui pourraient transformer le Cameroun.
Lire aussi