Félix-A. Tshisekedi à Apple : “À quoi ça sert de négocier avec un vulgaire voleur qui tue des Congolais ?”

[DIGITAL Business Africa] – Félix-Antoine Tshisekedi, le président de la République démocratique du Congo, a accordé une interview à la Deutshe Welle ce 02 mai 2024. Interview dans laquelle où il pointe un doigt accusateur sur les sociétés de fabrication de smartphones et particulièrement sur Apple qui favoriserait les crimes et meurtres en RDC en achetant au Rwanda des minerais 3T extraits en RDC et destinés à la fabrication des smartphones.

Il invite par ailleurs “Apple” à négocier directement avec la République démocratique du Congo et non avec ceux qui versent le sang des Congolais. Digital Business Africa vous propose l’intégralité des explications du président Félix-Antoine Tshisekedi à ce sujet.

DW : Qu’est-ce que vous répondez aujourd’hui aux populations qui vivent dans les camps de déplacés à Mugunga, à Kibati, à Buyimba et qui n’espèrent que rentrer chez eux ?

Félix-Antoine Tshisekedi : Mais c’est déjà de leur donner l’espoir qu’un jour ces populations rentreront chez elles. Parce que nous faisons… nous mettons tout en œuvre pour y arriver. Je vous ai parlé ici de ma volonté de vouloir le faire par la négociation parce que je veux privilégier cette voie, la voie de la paix, parce qu’elle est moins coûteuse d’abord. Et puis elle est plus efficace. On ne perd pas de… Mais elle est plus longue.

Les gens continuent à vivre sous des bâches, sous la pluie… Elle est beaucoup plus longue, oui. Et ces gens ne les sont pas, parce que dans la mesure du possible, le gouvernement leur apporte les moyens dont ils ont besoin.Ça ne suffit pas, c’est vrai, et je profite de l’occasion pour remercier aussi les autres pays organisations qui ont aussi apporté de l’aide à ces victimes.

Mais nous leur disons tout le temps d’espérer dans ce que nous faisons. Parce que notre détermination est sans faille. L’objectif, c’est de ramener la paix et de ramener toutes ces populations chez elles. En Ituri en ce moment, ils se passent de très, très bonnes choses.Tous les groupes armés se sont déjà rencontrés.

Ils ont signé ensemble un mémorandum dans lequel ils se sont engagés à faire la paix. Et si tout va bien d’ailleurs, je vais m’y rendre à la mi-mai, en tout cas, en début de ce mois qui arrive de mai pour me rendre moi-même compte, leur parler et sceller cette paix ensemble avec toutes les communautés.

Donc là, ce sera déjà quelque chose de gagné. Les populations pourront rentrer et d’ailleurs, il y a des organisations internationales qui se proposent déjà à aider, comme l’OIM, l’Organisation Internationale pour les Migrations, la Banque mondiale aussi va nous accompagner avec quelques moyens.

Nous avons nous même le processus DDRCS – Désarmement, Démobilisation Réinsertion Sociale – donc par lequel nous allons reprendre tous les activistes des groupes armés. Et donc, si tout va bien – et je prie Dieu pour que vraiment ça continue comme ça – le cas de l’Ituri sera réglé dans les mois à venir et nous pourrons fumer le calumet de la paix de ce côté-là.

Il restera donc le Nord-Kivu où là, c’est une question de pillage des ressources de la République démocratique du Congo, en complicité évidemment avec certaines multinationales dans des pays industrialisés. Ça, c’est autre chose. Et donc, ça dépend justement de ces pays qui abritent ces multinationales.

C’est à eux de faire pression sur ces sociétés pour qu’elles arrêtent ce commerce illicite. Nous sommes les représentants de la République démocratique du Congo et nous sommes ouverts à toutes les discussions, prêts à parler d’échange, de partenariat gagnant-gagnant avec toutes ces multinationales, plutôt que de les laisser se contenter de ce trafic macabre qui se fait sur la vie de nos concitoyens.

DW : Qu’est-ce que vous répondez aux personnes qui disent que ces trafics de minerais se font parfois, voire souvent en complicité avec des Congolais ? Ça ne vient pas seulement du Rwanda ou d’autres pays. Quelles sont les mesures que vous avez alors par rapport à ces personnes ?

Mais les mesures, je crois que vous, vous avez entendu, évidemment. On nous a évidemment… Les redresseurs de torts ont vite été en besogne pour nous juger. Vous avez par exemple appris que nous avons suspendu le moratoire sur la peine de mort. Évidemment, parce que, à cause de certains compatriotes, il y a justement ces dégâts humanitaires. Ce sont des choses qui arrivent, pas seulement du fait du Rwanda seul, mais du Rwanda et de ses complices qui vivent en République démocratique du Congo et qui sont Congolais pour certains d’entre eux.

Donc c’est pour ça que nous brandissons, nous avons rétabli justement cette sanction pour les dissuader, parce que le premier objectif, c’est d’abord de les dissuader. Mais s’ils s’entêtent, la peine de mort s’appliquera à eux.

DW : Monsieur le Président, vous venez de formuler une attente auprès des pays qui abritent les multinationales, dont les États-Unis – j’imagine – dans le cas “d’Apple”. Donc, qu’est-ce que vous attendez exactement ? Quelles formes de sanctions ? Quelles formes d’influence devrait mettre le gouvernement américain ?

Je ne sais pas dans ce cas quelle sanction on peut appliquer. C’est à la justice d’y penser, mais il y a sûrement des amendes, il y a sûrement des condamnations aussi pour complicité de crimes. Et voilà.

Donc, je n’attends pas de sanctions précises comme telles. Je sais que ce sont des pays où la justice est libre, indépendante et efficace. Et qui peut cette justice dissuader ce genre de trafic. Et surtout que les autorités congolaises sont prêtes à discuter justement de manière ouverte d’un partenariat pour exploiter ces minerais dans un modèle gagnant-gagnant.

Vous savez, moi j’ai justement à cause de tous ces malheurs que nous ont causés ces richesses, voulu capitaliser cela en disant nous avons, nous devons cesser d’être une terre d’extraction, tout simplement. On nous prend nos minerais, on va les transformer ailleurs et on vient nous revendre les produits finis.

Nous voulons développer nous-mêmes la chaîne de valeur au Congo, le plus loin possible qu’elle puisse s’étaler. Et ensuite, c’est dans des partenariats pareils que – c’est pour ça que j’appelle ça gagnant-gagnant – parce que ça fait que nous allons pouvoir lutter contre la pauvreté en créant des emplois, en créant de la richesse et en même temps avoir des partenaires qui eux aussi vont pouvoir se retrouver dans ce partenariat.

Donc par exemple, “Apple” négociera directement avec la République démocratique du Congo. À quoi ça sert de négocier avec un vulgaire voleur qui en plus fait ce trafic au prix du sang en tuant des Congolais ? Donc, les téléphones que vous avez ici dans vos pays contiennent le sang des Congolais.

DW : Et comment est-ce que vous jugez le mémorandum d’entente qui a été conclu entre l’Union européenne et le Rwanda au mois de février pour favoriser le développement de chaînes de valeur durable et résiliente pour les matières premières ?

Comme une prime faite à la guerre et au pillage tout simplement parce que je vous dis, il n’y a pas un gramme de ces minerais dans le sous-sol rwandais – pas un gramme.

Tout est pillé en République démocratique du Congo. Je vous ai expliqué de quelle manière ça arrive au Rwanda. C’est estampillé par une ONG qui valide le fait que ce soit des minerais rwandais propres et c’est expédié justement vers ces entreprises. Ça c’est scandaleux que l’Union Européenne valide un tel marchandage, un vil marchandage.

C’est dégoûtant. Et je félicite la Belgique, parce qu’au moment où cette décision est arrivée de l’Union Européenne, je suis passé par la Belgique, je m’étais évidemment plaint de ce que la Belgique, membre de l’Union Européenne, ait aussi participé à cela. Mais je félicite le gouvernement belge parce que le Premier ministre m’avait expliqué que la Belgique ait mis des réserves sur ce mémorandum et a exigé qu’il y ait une traçabilité désormais dans ce qu’ils vont faire avec le Rwanda, qu’il y ait une traçabilité de ces minerais et vous verrez qu’à cette occasion, nous allons découvrir que ces minerais ne viennent pas du Rwanda.

DW : Et donc, si l’Union européenne ne s’adapte pas, est ce que vous, vous chercherez d’autres partenariats ? Et où ?

Si l’Union européenne ne s’adapte pas, ça veut dire que l’Union européenne favorise le pillage des ressources minérales de la République démocratique du Congo et le problème se posera à l’Union européenne.

Donc je n’ai même pas besoin de prendre une décision quelconque. Je reste ouvert. Moi, je n’ai pas besoin de condamner l’Union européenne. L’Union européenne a plusieurs comptes, plusieurs pays qui sont amis de la République démocratique du Congo: l’Allemagne, la France, la Belgique, la Hongrie – je vais m’y rendre d’ailleurs dans quelques jours.

Donc, je n’ai pas à condamner ces pays-là. Je sais que si ce mémorandum se confirme et confirme donc la prime donnée à ce pillage, mais il se posera un problème ici dans l’Union européenne et je fais confiance à l’opinion d’ailleurs des Européens. Ils vont s’occuper de leurs décideurs.

Je crois que évidemment, notre pays a été absent pendant longtemps de beaucoup de rendez-vous et cela nous a évidemment valu d’être, j’allais dire, un petit peu dépassé sur le plan du lobbying diplomatique. Parce que le Rwanda, avec son leader qui est un ferme manipulateur, a réussi à faire croire en fait qu’il était en danger et que ce danger provenait de la République démocratique du Congo et que pour cela, il avait besoin d’envoyer son armée en République démocratique du Congo parce qu’il y avait des FDLR qui menaçaient constamment sa sécurité. Mais en réalité, à côté de cela, ils pillaient les ressources. Et comme au Congo en ce moment-là, il y n’avait pas … je veux le dire très clairement, de dirigeants capables de pouvoir dénoncer cela, évidemment le Rwanda en a profité.

Mais regardez depuis 2022 où l’agression a commencé que nous, nous avons dénoncé immédiatement cette agression, vous voyez que le narratif a changé. Donc, ça ne fait qu’une année et demie que cela a commencé alors que pendant 30 ans le Rwanda a berné le monde entier. Donc donnez-nous le temps de rattraper notre retard dû au fait qu’il y a eu un silence complice dans notre pays

Donc, le chef même de ceux qui dirigeaient ce pays-là. Et aujourd’hui, nous nous en rendons compte. Même l’armée a été complètement désarticulée, affaiblie, désorganisée pour ne pas qu’elle puisse être capable de faire face à toutes ses agressions. Toutes les opérations de brassage, mixage qui suivaient les crises qui lui avaient, étaient justement des occasions pour infiltrer notre armée d’éléments rwandais qui a ensuite allaient créer des désordres dans le pays.

Tout cela, nous le savons. Nous sommes en train de le démanteler. Mais donnez-nous le temps de le parachever, parce que ça a mis du temps à se faire et il faut le défaire.

DW : Et sur qui est-ce que vous mettez votre espoir pour un processus de réconciliation, un processus qui va vers la paix – vous avez dit que vous voulez la paix aussi pour les gens qui vivent notamment dans l’est de votre pays. Sur qui est ce que vous mettez l’espoir, si vous dites que Paul Kagame ce que vous dites de lui. Qui est pour vous la personne qui pourrait…?

Celui qui viendra – celui ou celle qui viendra après Paul Kagame. Il n’est pas éternel. J’espère qu’après lui, il y aura un chef d’état qui pourra comprendre le sens et le bien fondé de vivre en paix avec ses voisins.

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