Monnaie électronique : de 260 millions à 11 milliards de transactions en dix ans dans l’UEMOA

[DIGITAL Business Africa] – L’Afrique de l’Ouest connaît une véritable révolution financière. En une décennie, la monnaie électronique est passée du statut d’innovation périphérique à celui de pilier central de l’inclusion financière et du développement économique.
Entre 2014 et 2024, selon le Gouverneur de la BCEAO, Jean-Claude Kassi BROU, le volume des transactions en monnaie électronique dans l’UEMOA a explosé, passant de 260 millions à 11 milliards d’opérations, tandis que le nombre de comptes est passé de 18 millions à près de 248 millions.

« Ces initiatives se sont notamment traduites par un accroissement significatif du volume des transactions en monnaie électronique au sein de l’Union, passé de 260 millions à 11 milliards entre 2014 et 2024. Le nombre de comptes a également progressé, évoluant de 18 millions à près de 248 millions sur la même période », a récemment déclaré Jean-Claude Kassi BROU, gouverneur de la BCEAO

Une croissance exceptionnelle en dix ans

Ce bond spectaculaire illustre la transformation profonde des habitudes financières dans les huit pays de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo.

D’après le dernier Rapport de la BCEAO sur les services financiers numériques (2023), l’Union a enregistré une progression continue du mobile money :

  • 157 millions de comptes de monnaie électronique fin 2022,
  • 209 millions fin 2023,
  • et près de 248 millions en 2024, selon les estimations officielles citées par le Gouverneur.

C’est un taux de croissance de plus de 32 % entre 2022 et 2023, et une multiplication par près de 14 en dix ans. Le volume de transactions, lui, a été multiplié par plus de 40, confirmant une adoption massive et une confiance accrue des populations dans les paiements numériques.

Plus encore, l’activité de monnaie électronique poursuit ses progrès, marqués par la hausse significative des principaux indicateurs, notamment d’accès et d’utilisation.

63 initiatives d’émission de monnaie électronique ont été enregistrées dans l’Union au 31 décembre 2023, à travers deux canaux, à savoir la téléphonie mobile (58) et la carte prépayée (5). Au cours de l’année 2023, 19 nouvelles initiatives ont été autorisées par la Banque Centrale, dont l’agrément de 2 établissements de monnaie électronique.

Les moteurs de cette expansion fulgurante

Plusieurs facteurs expliquent cette progression significative.

  1. Un cadre réglementaire visionnaire

Dès 2015, la BCEAO a adopté un cadre légal et prudentiel pour les activités de monnaie électronique, créant un environnement sécurisé pour les opérateurs et les utilisateurs.
Ce cadre a permis la délivrance d’autorisations à des établissements de monnaie électronique (EME), notamment adossés à des opérateurs télécoms et à des banques, favorisant la confiance et la diversité des offres.

  1. L’essor du mobile money et de l’écosystème Fintech

Les partenariats entre opérateurs télécoms et institutions financières ont facilité l’accès aux paiements mobiles dans les zones rurales.
La concurrence entre acteurs – Orange Money, Moov Money, Wave, MTN Mobile Money, etc.  –   a stimulé l’innovation, la baisse des coûts et la multiplication des cas d’usage : transferts, paiements marchands, factures, taxes, salaires.

  1. Une stratégie régionale d’inclusion financière

Portée par la BCEAO et les États membres, la stratégie régionale d’inclusion financière (SRIF-UEMOA) vise un objectif clair : permettre à au moins 75 % de la population adulte d’avoir accès à un service financier d’ici 2025.
Aujourd’hui, ce taux atteint déjà 74 %, contre moins de 15 % au début des années 2000 – un changement d’échelle historique.

  1. L’amélioration des infrastructures et de l’interopérabilité

La mise en place d’infrastructures de paiement modernes, comme le Système de Règlement Brut en Temps Réel (STAR-UEMOA), a posé les bases techniques nécessaires.
L’arrivée de la Plateforme Interopérable du Système de Paiement Instantané (PI-SPI), lancée le 30 septembre 2025 à Dakar, vient désormais boucler le cycle : permettre à tous les acteurs –  banques, microfinances, Fintech, opérateurs –  d’interagir dans un même réseau instantané et sécurisé.

Une révolution économique et sociale

L’explosion de la monnaie électronique a eu des effets tangibles sur la vie économique de l’Union :

  • Simplification des transferts familiaux et du petit commerce : plus besoin d’espèces, moins de risque de vol.
  • Digitalisation du paiement des salaires, pensions et aides sociales : une meilleure traçabilité et transparence.
  • Facilitation de la fiscalité locale et du paiement des services publics.
  • Formalisation progressive du secteur informel, grâce à la traçabilité des flux financiers.

Ces dynamiques contribuent directement à l’intégration économique régionale, en rapprochant les populations des services financiers formels et en favorisant la confiance dans la monnaie commune : le franc CFA.

Un impact structurant sur les usages numériques

Selon la BCEAO, plus de 95 % des transactions numériques dans l’UEMOA passent désormais par la monnaie électronique.
Les paiements marchands représentent la nouvelle frontière : ils ont progressé de plus de 60 % en 2023, portés par la généralisation des QR codes et par la montée en puissance des Fintech régionales.

Cette croissance s’appuie aussi sur la digitalisation des PME, qui utilisent de plus en plus la monnaie électronique pour leurs encaissements et règlements, réduisant les coûts et améliorant la gestion de trésorerie.

Des défis à surmonter

Malgré ces avancées impressionnantes, plusieurs défis demeurent :

  • L’inactivité d’une partie des comptes : tous les comptes créés ne sont pas actifs, notamment dans les zones rurales.
  • La sécurité et la lutte contre la fraude : la BCEAO renforce ses mécanismes de supervision et de cybersécurité.
  • L’éducation financière et numérique : essentielle pour élargir encore la base des utilisateurs actifs.
  • L’interopérabilité totale : la PI-SPI doit désormais être pleinement adoptée par tous les acteurs pour que les transferts soient vraiment sans frontière.

PI-SPI : la prochaine étape d’une décennie numérique

La Plateforme Interopérable du Système de Paiement Instantané (PI-SPI), dévoilée par la BCEAO, représente le prolongement logique de cette évolution.
Elle permettra des paiements instantanés, gratuits pour les particuliers et accessibles à tous, renforçant la dynamique d’inclusion et de modernisation.

 « PI est un système de paiement instantané, interopérable et disponible en continu dans les huit pays de l’Union, répondant aux exigences les plus élevées en matière de performance et de sécurité. »
–   Jean-Claude Kassi BROU

Avec la PI-SPI, les 11 milliards de transactions enregistrées en 2024 pourraient n’être qu’un début.
La BCEAO se fixe pour ambition d’ancrer la culture du paiement numérique instantané dans tous les secteurs de la société, du commerce de rue à l’administration publique.

Vers une UEMOA “cashless” et inclusive

L’Union monétaire ouest-africaine est désormais l’un des espaces les plus dynamiques du continent en matière de paiements électroniques.
Cette transformation –   soutenue par la régulation, l’innovation et la confiance –   constitue une référence continentale.

Alors que la BCEAO appelle à “adopter le réflexe PI”, les chiffres le confirment : la monnaie électronique n’est plus un simple outil de transfert, mais un levier stratégique de croissance, de transparence et de souveraineté économique pour l’Afrique de l’Ouest.

Par Beaugas-Orain DJOYUM

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