[DIGITAL Business Africa] – L’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) vient de franchir une étape majeure dans la modernisation du paysage numérique national. Par sa décision n°2025-1301 du 25 septembre 2025, le Conseil de régulation de l’ARTCI a accordé à la société Starlink Network CIV l’autorisation officielle d’utiliser plusieurs bandes de fréquences radioélectriques pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau de communications électroniques ouvert au public via des satellites non géostationnaires.
Cette décision permet désormais à Starlink, filiale du groupe américain SpaceX, de fournir légalement des services d’accès à Internet fixe en Côte d’Ivoire à travers sa constellation de satellites en orbite basse (NGSO).
Huit bandes de fréquences attribuées
L’ARTCI a autorisé l’utilisation des bandes suivantes :
10,7 – 12,7 GHz ; 14 – 14,5 GHz ; 17,8 – 18,6 GHz ; 18,8 – 19,3 GHz ; 27,5 – 29,1 GHz ; 29,5 – 30 GHz ; 71 – 76 GHz et 81 – 86 GHz.
Ces plages couvrent les communications entre les stations terriennes et les satellites (espace ↔ Terre), nécessaires à la fourniture du service Internet.
Selon l’annexe technique jointe à la décision, ces bandes sont attribuées dans un cadre strict de cohabitation et de compatibilité électromagnétique avec les services existants, notamment les réseaux fixes et de radiodiffusion par satellite. Starlink devra veiller à ne causer aucun brouillage préjudiciable aux autres systèmes radioélectriques et à opérer sous le contrôle d’un centre d’opération réseau capable d’identifier et de corriger rapidement toute interférence.
Des conditions techniques rigoureuses et un contrôle intelligent du spectre
L’ARTCI encadre précisément les paramètres d’exploitation autorisés.
Par exemple :
- la densité de puissance surfacique maximale au sol est fixée à –118 dBW/m²/MHz dans la bande 10,7–12,7 GHz ;
- les antennes doivent respecter un angle minimal d’élévation de 25° ;
- le gain minimal des antennes est fixé à 40 dBi avec pointage automatique ;
- et la valeur minimale du rapport signal/interférence (C/I) exigée est de 18 dB.
Mais c’est surtout la disposition imposée dans la bande 71–76 GHz qui retient l’attention :
« Le réseau de Starlink Network CIV doit disposer d’un système de radiocommunication défini par logiciel (SDR) avec désactivation dynamique. »
️ Le SDR : un “cerveau logiciel” pour gérer les fréquences
Le SDR (Software Defined Radio) est une technologie avancée permettant de contrôler et reprogrammer à distance les fonctions d’un émetteur ou récepteur radio – fréquences, puissance, modulation, filtrage, etc.
Contrairement aux équipements classiques, dont les paramètres sont figés dans le matériel, le SDR repose sur des logiciels qui ajustent dynamiquement le comportement du réseau radio selon les besoins ou les contraintes du moment.
Dans le cas de Starlink, cette exigence de l’ARTCI signifie que les stations terrestres ivoiriennes devront pouvoir être reconfigurées automatiquement pour :
- éviter les brouillages avec d’autres services, notamment les radars opérant dans les bandes voisines (76–81 GHz) ;
- adapter l’utilisation du spectre en temps réel selon les conditions locales ;
- et, si nécessaire, désactiver temporairement certains signaux en cas de non-conformité ou de menace à la sécurité du spectre.
En clair, le SDR agit comme un “interrupteur intelligent” du spectre radioélectrique.
Il ne permet pas directement à l’État de “couper Internet”, mais il offre au régulateur une flexibilité technique et une réactivité inédite pour superviser, corriger ou suspendre certaines émissions dans un cadre légal.
C’est un outil de souveraineté technique, pas un mécanisme de censure, même si sa puissance opérationnelle ouvre des débats sur le contrôle national des transmissions satellitaires.
Une autorisation provisoire, mais décisive
La décision du Conseil de régulation s’appuie sur l’arrêté ministériel n°018 du 15 juillet 2025, qui avait déjà accordé à Starlink une autorisation provisoire d’établissement et d’exploitation d’un réseau ouvert au public.
L’autorisation de fréquences est donc valable pour la durée de cette licence provisoire, dans l’attente de la délivrance d’une licence individuelle de catégorie C1C, prévue par la loi n°2024-352 relative aux communications électroniques.
L’entreprise devra en outre s’acquitter des redevances d’utilisation du spectre conformément à la réglementation en vigueur et se conformer à toutes les obligations techniques et administratives fixées par l’ARTCI.
Côte d’Ivoire, nouveau pôle africain du haut débit satellite
Avec cette autorisation, la Côte d’Ivoire rejoint le cercle des pays africains ayant ouvert leur marché à Starlink, après le Nigeria, le Rwanda, la Zambie, le Kenya ou encore le Congo.
L’arrivée de la filiale de SpaceX devrait contribuer à réduire la fracture numérique, notamment dans les zones rurales ou enclavées où la fibre optique reste peu accessible.
Pour le gouvernement ivoirien, cette initiative s’inscrit dans la stratégie nationale de transformation numérique portée par le ministère de la Transformation Numérique et de la Digitalisation, visant à stimuler l’économie digitale, l’e-éducation, l’e-santé et la gouvernance connectée.
Une ouverture sous vigilance réglementaire
L’ARTCI reste vigilante sur les questions de brouillage, de sécurité du spectre et de protection du marché national.
La décision stipule clairement que Starlink Network CIV ne bénéficie d’aucune protection vis-à-vis des services fixes et de radiodiffusion et devra ajuster ou suspendre ses opérations en cas d’interférences constatées.
Elle renforce aussi la capacité de supervision technique de l’Autorité sur les opérateurs satellitaires étrangers — une évolution cruciale à l’heure où la souveraineté numérique africaine devient un enjeu géostratégique majeur.
Vers une Afrique connectée par satellite
L’installation officielle de Starlink en Côte d’Ivoire symbolise une nouvelle ère pour la connectivité ivoirienne.
Elle met en lumière la volonté du régulateur ivoirien et des régulateurs du continent d’accompagner les innovations mondiales tout en préservant le contrôle du spectre et de la cybersécurité nationale.
« L’ARTCI vient d’envoyer un signal fort : la Côte d’Ivoire est prête à accueillir les acteurs mondiaux du numérique, tout en garantissant un cadre réglementaire robuste et souverain », estime Beaugas Orain DJOYUM, DG du cabinet ICT Media STRATEGIES spécialisé en veille stratégique dans le secteur du numérique et en e-réputation.
Avec cette autorisation, Starlink Network CIV devient un acteur stratégique dans la construction d’une Côte d’Ivoire numérique, connectée et souveraine, et plus largement dans la vision d’une Afrique cashless, paperless et inclusive.
Par Digital Business Africa







