La portée opératoire de la clause limitative de responsabilité dans le contrat d’e-commerce

Bien que les dispositions des articles 1147 (ancien) ou 1231-1 (nouveau) et L 221-15 des codes français, respectivement civil et de la consommation, encadrent la responsabilité contractuelle, les parties peuvent vouloir en restreindre le champ et la force opératoires, au moyen de la clause limitative de responsabilité, notamment dans le cadre du contrat de e-commerce.

Le contrat de e-commerce, quant à sa particularité d’être conclu par voie électronique, peut réunir soit le professionnel et le consommateur, soit les professionnels entre eux – fournisseurs de biens ou services, fournisseurs d’accès internet et fournisseurs d’hébergement.

Il y a donc en présence, d’une part, le contrat de consommation entre le consommateur et le professionnel vendeur – fournisseur d’internet ou fournisseur d’hébergement, et d’autre part, le contrat civil qui lie le vendeur, soit au fournisseur d’accès internet soit au fournisseur d’hébergement, avec la faculté d’y insérer une clause limitative de leur responsabilité, dont la portée opératoire est tributaire des différents régimes. Elle peut être introduite, tantôt directement dans le contrat principal, tantôt dans un contrat additif appelé service level agreement ou engagement de service.

Pour ce qui est de la définition des contrats dans lesquels la clause limitative de responsabilité peut être insérée, on peut définir, premièrement, le contrat de fourniture d’accès internet qui consiste à mettre à la disposition de son partenaire une clé d’accès pour parvenir à un serveur, lui permettant de se connecter au réseau, naviguer dans le réseau et bénéficier des services offerts dans ledit réseau.

Ensuite, il y a le contrat d’hébergement, qui consiste à héberger virtuellement, sur ses appareils, et à stocker des données et les rendre accessibles sur la toile world wide web.

En dernier lieu, il y a le contrat entre le professionnel et le consommateur, et qui consiste à proposer à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services.

Il est à relever que, non seulement la position dominante du professionnel face au consommateur, mais aussi la puissance financière et économique, ainsi que la position de monopole de certains professionnels, font des clauses contractuelles un dangereux instrument de déséquilibre et d’avilissement, notamment dans ces actes qui sont pour la plupart assimilables à des contrats d’adhésion.

Néanmoins, au-delà de ses fondements et ses régimes, c’est à l’aune de sa portée opératoire que la véritable économie de la clause limitative de responsabilité peut être appréhendée.

Les fondements et le contenu de la clause limitative de responsabilité

Par définition, la responsabilité contractuelle est l’obligation, pour le contractant, de réparer le dommage résultant de l’inexécution partielle ou complète, ou de la mauvaise exécution du contrat. La clause limitative de responsabilité a vocation à circonscrire l’engagement de la responsabilité de son bénéficiaire. A ce titre, on peut en distinguer plusieurs types, et notamment celle qui limite ou détermine les cas de la responsabilité, celle qui est de nature pénale, celle qui exclut toute responsabilité, celle qui limite la réparation ou l’indemnisation, etc.

En ce qui concerne les fondements juridiques, la clause limitative de responsabilité est fondée sur l’article 1147 (ancien) ou 1231-1 (nouveau) du Code civil, pour le contrat entre professionnels, tandis que pour le contrat entre professionnel et consommateur, c’est l’article L 221-15 du Code de la consommation qui en donne le fondement.

Pour ce qui est des domaines de ladite clause, sur le plan personnel, elle implique la personne physique du professionnel, s’il agit à ce titre, et la personne morale, agissante en qualité d’acteur du commerce électronique. Le domaine matériel des obligations et des activités peut concerner la délivrance de la prestation, la livraison du bien ou service, l’exécution dans les délais, l’obligation de sécurité, le paiement, la garantie des vices cachés et les garanties légales.

Quant à la nature des obligations, entre le professionnel et le consommateur, le premier est débiteur d’une obligation de résultats envers le second. Mais, dans le cas des professionnels entre eux, il faut distinguer. D’un côté, l’obligation de résultats concerne la disponibilité en permanence du centre serveur, l’accès permanent au service d’hébergement, la délivrance de logiciels de connexion et de navigation, l’assistance technique, la fourniture de matériel. De l’autre côté, l’obligation de moyens concerne les taux de transfert, les temps de réponse, l’accès aux informations en circulation, les performances du réseau, la correction des pannes, la protection des données.

Les régimes de la clause limitative de responsabilité

Au niveau de la nature de la responsabilité, le contrat entre le professionnel et le consommateur induit une responsabilité de plein droit du professionnel. Autrement dit, il n’est pas besoin de prouver l’existence d’une faute commise par ce dernier pour que sa responsabilité soit engagée. Ainsi, le professionnel répond non seulement de la bonne exécution de la prestation fournie par lui-même, mais aussi de la bonne exécution fournie par les prestataires qui concourent à l’activité de son site de e-commerce : banquier, hébergeur, fournisseur d’accès internet, transporteur, sous-traitant, etc, lesquels prestataires ne sont donc pas tiers au contrat.

Néanmoins, le professionnel peut être exonéré de responsabilité dès lors qu’il est établi la preuve de l’imputabilité, soit au consommateur cocontractant pour inexécution ou mauvaise foi, soit au prestataire du contrat, soit au fait imprévisible ou insurmontable, soit au cas de force majeure.

Par contre, dans le contrat entre professionnels, c’est la responsabilité pour faute de la part du professionnel débiteur du service considéré. L’exonération ou l’atténuation de cette responsabilité pour faute est possible en cas de force majeure, le fait de la victime, le fait du tiers.

Quant à la typologie des responsabilités, elle révèle que dans les deux cas, sont invariablement admises la responsabilité du fait personnel et la responsabilité du fait d’autrui. Mais, est exclue la responsabilité du fait de choses. Or, ce sont des éléments qui sont de nature à déterminer la portée opératoire de la clause.

La portée opératoire de la clause limitative de responsabilité

En principe, la clause exonératoire ou limitative de responsabilité est valide si elle a été portée à la connaissance de la victime, et qu’elle a été acceptée en toute connaissance de cause par la personne à laquelle elle est opposée, sous réserve de la législation sur les clauses abusives, évidemment. En outre, en même temps qu’elle garde son caractère transmissible, si elle est opératoire sur les obligations de moyens, elle a un simple rôle probatoire pour les fautes lourdes.

Quant à la sanction sur la clause elle-même, il est à relever que la clause limitative de responsabilité peut être soit autorisée soit jugée abusive. Si elle porte sur une faute légère, elle pourra être autorisée. Mais, la clause limitative de responsabilité est abusive, et donc nulle et réputée non écrite, dans les cas où elle est élusive de la responsabilité, pénale, limitative de la réparation et de l’indemnisation, ou en contradiction avec une obligation essentielle du contrat.

Pour ce qui est du sort du contrat, il reste applicable dans toutes les dispositions autres que celles concernant la clause jugée abusive.

Ce qu’il faut retenir.

Alors même que ce sont les mêmes acteurs qui sont en présence dans le contrat d’e-commerce, leur qualité respective audit contrat détermine le régime de la clause limitative de responsabilité, qu’ils ont le droit et la faculté de faire valoir. Ainsi, aussi bien pour le régime de la responsabilité de plein droit que pour celui de la responsabilité pour faute, le législateur a trouvé les moyens de préserver l’équilibre contractuel dans le cadre du commerce électronique, en sanctionnant les atteintes auxquelles il est exposé, au moyen de la mise en œuvre de ladite clause. Ce qui est tout à l’avantage du consommateur et du professionnel de petite taille économique, face, respectivement, au pouvoir de la maîtrise de l’information et des monopoles technologiques.


Laurent-Fabrice ZENGUE est Juriste spécialisé en Droit du numérique et des données. DU Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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