[Digital Business Africa] – Comme récemment indiqué, dès le 15 octobre 2020, les abonnés camerounais désirant utiliser un téléphone portable neuf et nouvellement acheté seront appelés à payer une taxe douanière représentant 33,05% de la valeur du téléphone sorti de l’usine. Le paiement de cette taxe sera fait à partir du crédit de communication de l’abonné. Il est prévu deux possibilités de règlement de cette taxe. L’abonné peut choisir de payer la taxe intégralement ou encore par tranche. Soit 0,5% ponctionné quotidiennement sur votre crédit de communication jusqu’à l’épurement des 33% de la valeur de votre téléphone. Mais de nombreux signes et indicateurs montrent que le pays n’est pas prêt implémenter convenablement cette nouvelle réforme. Digital Business Africa en présente huit.
1 – Le mécanisme de collecte non approprié de la taxe : le crédit de communication
Le paiement des taxes douanières se fera par débit du crédit de communication de l’abonné. C’est dire que l’abonné qui achète un service A avec son argent se retrouvera en train d’acheter un autre service B via son crédit téléphonique. Par ricochet, le crédit téléphonique est transformé en monnaie électronique, qui par la suite est transformé en monnaie fiduciaire et reversée dans les caisses de l’Etat par les opérateurs de téléphonie mobile. Or, l’émission de la monnaie électronique est bien encadrée par les règles communautaires et contrôlée par la Béac et la Cobac qui en assurent la régulation.
En effet, le règlement CEMAC N° 01/11/CEMAC/UMAC/CM du 18 septembre 2011 relatif à l’exercice de l’activité d’émission de monnaie électronique que la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Béac) suit à la lettre définit la monnaie électronique dans la CEMAC comme « une valeur monétaire incorporée sous forme électronique contre remise de fonds de valeur égale qui peut être utilisée pour effectuer des paiements à des personnes autres que l’émetteur, sans faire intervenir des comptes bancaires dans la transaction ». Et c’est exactement ce que veut faire le gouvernement et son mandataire, incorporer sous forme électronique une valeur monétaire dans le crédit téléphonie contre remise de fonds de valeur égale qui sera ensuite utilisée pour effectuer le paiement des taxes au Trésor.
Ce règlement signée par Gilbert Ondongo, alors président du comité interministériel de l’Union monétaire d’Afrique centrale (UMAC), précise en son article 4 que l’exercice de l’activité de l’émission de la monnaie électronique est soumis à l’autorisation de la Béac. Camtel n’est par exemple pas partenaire technique d’une banque émettrice de monnaie électronique. Et ne peut donc pas émettre de la monnaie électronique, ni transformer le crédit de communication en monnaie électronique qui sera reversé au Trésor public camerounais. Les autres opérateurs de téléphonie mobile ne peuvent également transformer le crédit de communication en monnaie électronique. Par contre, certains ont la possibilité d’accepter le paiement de ces taxes douanières via le paiement mobile (Orange Money, MTN Mobile Money et Possa), mais cette option de paiement via mobile money n’est malheureusement pas à l’ordre du jour.
Arintech pour sa part n’est pas encore connue par la Béac. L’entreprise dit détenir une licence de première catégorie. Probablement délivrée par le ministère des Postes et Télécommunications. « Nous travaillons sous la supervision de l’ART, de l’ANTIC, et nous avons une licence de première catégorie avec un cahier de charges. Dans le cahier de charge, il y a ce que nous pouvons faire et ce que nous ne pouvons pas faire », clamait Paul Zambo sur la CRTV.
L’interdiction de la Béac
L’article 10 nouveau de la loi n° 2015/006 du 20 avril 2015 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun dispose que la licence est délivrée à toute personne physique ou morale qui peut, entre autres activités, « établir et exploiter notamment les réseaux de collecte et/ou de distribution, en vue de la fourniture au public de services de communications électroniques ».
Le règlement CEMAC N° 01/11/CEMAC/UMAC/CM du 18 septembre 2011 relatif à l’exercice de l’activité d’émission de monnaie électronique en son article 10 pour sa part martèle qu’ « il est interdit à toute personne autre qu’un établissement assujetti d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou d’une façon générale des expressions susceptibles de faire croire qu’elle est techniques des établissements assujettis, liées à l’émission de la monnaie électronique sous la réserve que l’assujetti y soit clairement mentionné comme émetteur ».
De ce qui précède, il sera sans doute difficile que la Béac valide ou tolère que des institutions ou entreprises créent la « confusion à ce sujet » autour de la collecte des taxes via monnaie électronique sans avoir les autorisations nécessaires.
Conclusion, la loi des finances 2019 du Cameroun qui indique que les acquéreurs de téléphone peuvent procéder au paiement taxes douanières « via un prélèvement effectué notamment lors des émissions téléphoniques » est problématique. Car, elle transforme de ce fait les opérateurs de téléphonie mobile en émetteur de monnaie électronique. Camtel par exemple qui est opérateur de téléphonie mobile ne peut émettre de la monnaie électronique. Car, il faut des autorisations de la Béac et notamment l’exigence d’être partenaire technique d’un établissement bancaire, émetteur de cette monnaie électronique.
Au Cameroun, au 31 janvier 2019, sept banques avaient l’autorisation d’émettre la monnaie électronique. Ces banques avaient en retour dix partenaires techniques dont trois opérateurs de téléphonie mobiles MTN (Momo), Orange (Orange Money) et Nexttel (Possa). Et jusqu’ici Arintech n’est pas encore considéré comme partenaire technique d’une banque émettant cette monnaie électronique.
2 – De la légalité d’ARINTECH
Comme indiqué plus haut, Paul Zambo, le PDG d’Arintech, indique qu’il dispose d’une licence de première catégorie avec un cahier de charges précis. La loi camerounaise du 20 avril 2015 en la matière précise que la délivrance et le renouvellement d’une convention de concession ou d’une licence est soumise au paiement d’une contrepartie financière appelée respectivement « droit d’entrée» et «droit de renouvellement». Ces droits d’entrée et de renouvellement sont recouvrés par l’Agence de Régulation des Télécommunications. Ces droits d’entrée ont-ils été reversés ? Aucune trace n’apparait.
Aussi, il est prévu qu’une prime de rendement soit prélevée sur le droit d’entrée ou de renouvellement et servie au personnel en charge de la réglementation et de la régulation du secteur des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication. Difficile de dire avec précision si Arintech a respecté ces dispositions de la loi, car celui-ci n’a pas répondu à nos questions.
3 – L’interconnexion avec les opérateurs
La plateforme électronique d’Arintech nécessitant une interconnexion avec les données des opérateurs de téléphonie mobile, il est difficile de dire qu’Arintech a signé une convention d’interconnexion avec l’ensemble des opérateurs télécoms comme le prévoit la réglementation, car certains opérateurs contactés par Digital Business Africa indiquent qu’ils n’ont pas de convention d’interconnexion, mais juste la demande conjointe des ministres des Finances et des Postes et télécoms les invitant à rendre opérationnel ce mécanisme de collecte : « … les opérateurs de téléphonie, les organismes institutionnels et toutes les autres parties prenantes à ce processus sont invités à prendre, chacun en ce qui le concerne, les dispositions pour la mise en œuvre efficiente de ce dispositif dès le 1er octobre 2020 », indique le communiqué conjoint de Louis Paul Motaze et de Minette Libom Li Likeng du 29 septembre 2020.
Au vu des expériences antérieures, l’interco avec les opérateurs concessionnaires n’est pas une affaire qui se gère en deux semaines. Les opérateurs Kakotel Cameroon SA ou encore GTS Infotel Cameroon SA en savent quelque chose.
4 – L’inexistence d’un moyen numérique de vérification du dédouanement d’un téléphone
Le nouveau dispositif camerounais ne montre pas aux abonnés comment vérifier au moment de l’achat que le téléphone a bel et bien été dédouané. Avec ce nouveau dispositif, les téléphones non dédouanés devraient coûter 33% moins chers. Mais, les abonnés n’ont aucun moyen pour vérifier de manière numérique que le téléphone est dédouané. Ils reçoivent plus tard un message leur indiquant le montant de la valeur de la taxe douanière de leur téléphone et les deux options de paiement.
Ce qui laisse le choix aux vendeurs véreux de commercialiser leurs terminaux non dédouanés plus chers indiquant à l’acheteur que c’est dédouané. Pour Paul Zambo, c’est l’acheteur floué qui aura la responsabilité de se plaindre aux services compétents de ce que le vendeur lui a vendu un téléphone plus cher. Car dit-il, les autres services de l’Etat seront prompts à rétablir l’acheteur dans ses droits. Mais quid de ceux qui achètent les terminaux et s’en vont les revendre dans les villages éloignés ? Connaissant les difficultés dans le suivi des plaintes dans les services spécialisés, il faut bien croire qu’il faudra attendre très longtemps pour que l’abonné rentre dans ses droits, s’il n’abandonne pas au bout du chemin.
Ce qui laisse entrevoir de nombreuses plaintes et fraudes de part et d’autres.
5 – La complexité du traçage des IMEI
L’IMEI est l’acronyme de « International Mobile Equipment Identity ». C’est en quelque sorte la carte d’identité du téléphone. Chaque téléphone (GSM ou UMTS) a son propre IMEI, constitué d’une série de 15 à 17 chiffres. C’est grâce à ce code que l’opérateur mobile autorise ou non l’accès d’un téléphone à son réseau. L’IMEI permet également de vérifier la provenance d’un téléphone, de le débloquer ou de le bloquer. C’est ainsi que les téléphones volés sont très souvent bloqués ou tracés. L’on peut obtenir son IMEI en tapant *#06# sur son clavier.
C’est sur la base de cet IMEI que la plateforme va travailler et identifier si oui ou non un téléphone a été dédouané. Sauf qu’avec l’évolution de la technologie, il existe toujours des logiciels et moyens pour modifier, masquer pour une période ou changer l’IMEI d’un téléphone portable. Pour s’en convaincre, il faut se rendre à l’avenue Kennedy à Yaoundé où les vendeurs de téléphone vous expliquent comment les IMEI des téléphones volés sont effacés pour éviter leur traçage par les services de la police.
Paul Zambo pour sa part dit qu’aucun téléphone n’échappera à son système. « Nous travaillons sur les données en triangulation, pour pouvoir définir un poste, car il faut savoir qu’au Cameroun, il y a des téléphones qui sont vendus avec le même IMEI. Parce que les monteurs locaux, quand ils ont assemblé 1 000 téléphones par exemple, ils vont prendre le même logiciel, mettre le même IMEI et vous allez vous retrouver 1000 téléphones avec le même IMEI. Nous utilisons un système de triangulation très efficace pour définir chaque téléphone et le mettre dans son compte », explique-t-il à la Crtv. C’est qui reste à voir… Mais quid des téléphones à double IMEI comme le montre l’illustration ci-dessus ? Pas de précisions pour le moment.
6 – La gestion des données personnelles des utilisateurs
Au Cameroun, le gouvernement travaille encore à la promulgation d’une loi sur la protection des données personnelles. En l’absence de cette loi, il n’y a pas véritablement de mesures très contraignantes pour ceux qui gèrent nos données personnelles. Des millions des données de millions de Camerounais seront accessibles à Arintech, dont le promoteur comme nous l’avons vu plus haut est toujours président d’un parti politique (MDIR) comme l’indique son compte LinkedIn. Cela pose un problème même s’il démissionne à la tête de son parti plus tard.
Nom et prénoms, numéros de téléphone, fréquence de recharge téléphonique, montant mensuel d’achat de crédit de communication, navigateurs utilisés, sites web fréquemment visités sont quelques-unes des multiples données dont ARINTECH aura accès.
Une mine d’or que l’entreprise pourrait revendre à des tiers ou les utiliser à d’autres fins. Mais, cela n’arrivera pas, indique son PDG sur la Crtv. «Nous ne pouvons pas aller au-delà de notre mandat. Nous n’allons pas vendre des données à des entreprises privées ou vendre des données à l’extérieur ou vendre à qui que ce soit », promet-il. « Nous avons un mandat et ce mandat indique ce que nous allons faire avec les données. Nous ne pouvons pas aller au-delà de ce mandat. A moins que l’Etat décide de nous donner un autre mandat sur les mêmes données. Ces données ne sont pas notre propriété, mais la propriété de l’Etat du Cameroun. Et c’est l’Etat qui décide de la façon dont il faut utiliser ces données en garantissant la sécurité des personnes », explique-t-il.
Même si l’entreprise est de bonne foi, quelles sont les garanties que sa plateforme ne peut être victime d’un piratage avec vol de ces données et même intégration frauduleuse des IMEI des téléphones avec le statut dédouanés ? Qui sont ses actionnaires ? Quel est le profil des personnes en charge de la maintenance et de la gestion de cette plateforme ? Nos questions à l’intéressé à ce sujet n’ont pas trouvé de réponses.
7 – 33% de taxe douanière, c’est élevé
Cela n’est pas forcément un indicateur des freins qu’il pourrait avoir dans la mise en œuvre de cette mesure. Mais ce taux de 33,05% de la valeur usine du téléphone imposé au Cameroun comme taxe douanière est jugé assez élevé par de nombreux Camerounais. Avec ce taux, le Cameroun peut détrôner le Tchad qui en 2017, selon la GSMA, l’association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile et fabricants de terminaux, avait le taux d’imposition combiné sur les terminaux mobiles le plus élevé de la région. A l’époque, dans la région de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), 30% était la tranche la plus élevée des droits de douane sur les terminaux mobiles.
Contrairement au Cameroun, en 2009, le gouvernement kenyan a décidé de mettre en œuvre une série d’exonérations fiscales sur les téléphones, supprimant le taux de TVA de 16% sur les téléphones mobiles. Le Rwanda et le Sénégal exonèrent également les téléphones mobiles de toutes les formes de taxation et un nombre croissant de pays de la région ont introduit des exemptions de droits de douane sur les téléphones.
8 – Faiblesses dans la Communication
Autre signe qui montre que le Cameroun n’est pas suffisamment prêt pour implémenter cette réforme, c’est la stratégie de communication mise en place, s’il y en a. Pour une décision et une réforme majeure qui a un impact sur près de 20 millions de Camerounais, c’est seulement à moins d’une semaine de sa mise en œuvre que l’on voit certaines parties prenantes communiquer sur le sujet. Et davantage à la CRTV (un reportage d’une minute et une émission d’une trentaine de minute), alors qu’il existe plusieurs autres médias, médias en ligne et canaux de communication divers.
Tous les Camerounais devraient être sensibilisés, mieux informés et leurs multiples questions devraient avoir des réponses au moins un mois avant l’entrée en application de cette mesure. A voir la vague d’indignation sur la toile avec les hastag #EndPhoneTax et #NoToPhoneTax, l’on comprend que la communication autour de cette réforme majeure est véritablement grippée.
Plus encore, Paul Zambo d’Arintech affirme qu’ils travaillent avec les opérateurs mobiles sous la supervision de l’ART, de l’ANTIC. Mais, depuis, l’on ne voit que deux personnes au-devant de la scène dans les deux brefs passages à la CRTV télé: Le PDG d’Arintech et le chef cellule Législation de la DGD, Guy Innocent DIFFOUO.
Où sont donc passé les clarifications des opérateurs mobiles qui doivent collecter et reverser cette taxe ? Où sont passés les régulateurs que sont l’ART et l’ANTIC qui recevront bientôt probablement de nombreuses requêtes et plaintes des usagers qui payeront peut-être plusieurs fois la taxe ? Ont-ils tous été véritablement associés de bout en bout comme le prétend Arintech ? La réponse obtenue par Digital Business Africa auprès de multiples acteurs impliqués est « Non !». Certaines parties prenantes ont certes commencé les discussions avec Arintech, mais beaucoup de zones d’ombre persistaient. D’autres parties prenantes confient à Digital Business Africa qu’ils ont découvert cette dernière évolution comme la plupart des Camerounais dans le reportage de la CRTV, alors que certaines questions étaient encore sur la table et nécessitaient des clarifications.
Pour combler au manque d’infos et répondre aux nombreuses interrogations posées, la ministre des Postes et Télécommunications, en sapeur pompier, est venue au secours de quelques internautes ayant de nombreuses questions sur Twitter apportant, à travers ses tweets, des précisions. C’était le 10 octobre dernier. Pour elle, rien n’a vraiment changé, car cette taxe a toujours existé. « Ce qui a été fait à cet effet, c’est de dématérialiser cette taxe en mettant en place un mécanisme numérique », explique-t-elle.
Au sujet des craintes liées à la question de la protection des données personnelles des usages, elle indique que cette problématique est prise très au sérieux par le gouvernement. « Plusieurs mesures ont été prises, entre autres le lancement de la campagne nationale contre la cybercriminalité et l’utilisation responsable des réseaux sociaux, la campagne d’identification des abonnés des réseaux d’opérateurs mobiles, le renforcement technique de l’ANTIC ou la promotion du domaine .cm », poste Minette Libom Li Likeng.
Cerise sur le gâteau, Arintech ne dispose pas de site web et de comptes sur les réseaux sociaux pour mieux communiquer.
Ce qui se fait ailleurs
Les taxes douanières sur les téléphones portables peuvent effectivement être payées par les abonnés mobiles. Mais, les abonnés ne payent pas cette taxe via leur crédit de communication comme cela veut se faire au Cameroun. Prenons l’exemple du Liban évoqué par Paul Zambo dans son entretien à la CRTV.
Au Liban, depuis septembre 2018, c’est effectivement l’abonné mobile qui paye la taxe douanière sur les terminaux mobiles. Avant d’acheter son téléphone, l’abonné libanais a la possibilité de vérifier si son téléphone est effectivement conforme aux normes internationales. Cela en renseignant sur un site web dédié (http://www.mpt.gov.lb/ar/services-ar/main-services-ar/mirs) du ministère des Télécommunications l’IMEI de son téléphone. Cela est mis en place par le ministère libanais des Télécommunications, en partenariat avec les opérateurs mobiles Touch et Alfa.
Aussi, l’acquéreur d’un téléphone peut vérifier cela en envoyant un SMS à un numéro et la confirmation lui est faite instantanément. Les abonnés peuvent donc composer le 111 pour plus d’informations ou envoyer gratuitement un SMS vide au 1014. Ils recevront en retour un message instantané expliquant l’état et le modèle de leur appareil, ainsi que les étapes à suivre en cas de non-conformité. L’abonné peut également envoyer gratuitement un SMS avec le numéro IMEI de son appareil au 1014 et il recevra un message instantané indiquant le modèle de l’appareil.
Ainsi, l’on a l’assurance que le téléphone est original, non contrefait et que son IMEI est authentique. C’est cet IMEI qui est utilisé par le système mis en place pour contraindre l’abonné de payer la taxe douanière.
Cela évite également à l’abonné de payer le téléphone plus cher, car il payera plus tard la taxe douanière. Puis, au moment de l’insertion de sa carte SIM, l’abonné est invité, via un SMS qu’il reçoit, à se rendre à la Poste libanaise pour payer ses taxes douanières. C’est donc à une agence de la Poste libanaise qu’il va pour payer cette taxe. Il dispose de 30 jours pour le faire. Au cas contraire, son téléphone est déconnecté du réseau. Pourquoi ne pas faire pareil en apportant quelques spécificités camerounaises ?
Les options légales de collecte de la taxe qui s’offrent au Cameroun
L’Etat ayant besoin des ressources pour assurer le développement du pays, l’on ne va pas le condamner de vouloir élargir son assiette fiscale en invitant les abonnés à payer les taxes douanières parce que les prix des téléphones sont devenus 33% moins chers. Encore faudrait-il s’assurer que les vendeurs baissent effectivement ces prix.
C’est le mécanisme de mise en œuvre de cette mesure qui pose problème. Le crédit de communication n’est pas la monnaie électronique et ne saurait être un moyen de payement d’un autre service, autre que celui du forfait des appels téléphoniques.
Parmi les options qui s’offrent, l’Etat et son mandataire pourraient instaurer au préalable un site web et/ou un système de messagerie via USSD qui informe en temps réel via SMS ou sur un site web dédié de l’authenticité d’un téléphone et de son caractère dédouané ou non. Cela évitera de nombreux problèmes.
Puis, concernant le paiement de sa taxe douanière, après le SMS lui indiquant le montant à payer, il peut effectuer le règlement de cette taxe soit par le moyen légal de collecte d’argent qu’est le mobile money (Orange Money, MTN Money ou Possa), soit dans une institution comme Campost. L’on peut imposer à l’abonné un délai raisonnable pour ses paiements en tranches ou en intégralité. Et dès le paiement, son téléphone (IMEI) est automatiquement catalogué comme dédouané. Plusieurs factures et taxes sont déjà payées au Cameroun via paiement mobile.
Cela aura également l’avantage d’éviter les pertes que l’Etat pourrait enregistrer à la suite des vols de téléphones. Tout comme cela évite les risques de non-paiement intégral de ces taxes pour ceux-là qui pourront choisir l’option prévue de 0,5% du crédit de communication ponctionné quotidiennement. Qu’en sera-t-il s’il ne charge pas son crédit de communication tous les jours ? Car, d’après les opérateurs de téléphonie mobile, près de 80% des abonnés camerounais à la téléphonie mobile chargent moins de 1000 francs Cfa de crédit de communication par mois. Difficile de collecter quotidiennement auprès de ceux qui n’ont pas assez d’argent pour charger quotidiennement leurs téléphones.
Toutes ces suggestions ne seront sans doute mise en place avant après demain, 15 octobre 2020, date prévue de la mise en œuvre de cette réforme. Il est donc conseillé d’attendre encore, de mieux peaufiner le dispositif et surtout véritablement travailler de commun accord avec l’ensemble des acteurs de la chaîne. C’est-à-dire, le mandataire Arintech, l’ART, l’ANTIC, la Béac au besoin, MTN, Orange, Camtel, NEXttel, YooMee, certains partenaires bancaires, en collaboration bien évidemment avec le ministère des Postes et Télécommunications et celui des Finances. Sans oublier qu’il faudra apporter des retouches à la loi des finances 2019 qui indique que le paiement de cette taxe douanière est réglé via « un prélèvement effectué lors des émissions téléphoniques ». Tout comme il faudra mieux communiquer sur les implications de cette réforme. CE qui n’est pas pour demain si l’on veut réussir la mise en œuvre de ce nouveau dispositif de collecte.
De ce qui précède, l’on se rend bien compte qu’en l’état actuel des choses, plusieurs indicateurs montrent que le Cameroun n’est pas suffisamment prêt pour implémenter convenablement cette réforme. Il y a encore du travail à faire…
Par Beaugas Orain DJOYUM, DG de ICT Media STRATEGIES et DP de Digital Business Africa
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